vendredi, avril 30, 2004

Chapître 30 : Horreur : définitions

Les Métal Warriors et les villageois de Tungwatdon
avaient donc entamé la traversée du Territoire
Pourpre. Ils progressaient vers l'ouest, vers les
Collines Chauves au bas desquelles passait la rivière.
Plus précisément, cela signifiait que cette rivière
empiétait sur le territoire de Biff en un lieu que
lui-même fréquentait rarement étant donné qu'il était
de coutume de rentrer chez lui par l'est. Ce qui d'un
certain côté était une bonne chose puisque Biff,
militant acharné du Parti du Moindre Effort, n'avait
pas pour habitude de s'embarasser et déversait donc
ses victimes le plus près possible de l'entrée. Il
fallait par conséquent un surplus de cadavres pour
qu'il fût amené à entasser ses produits à l'ouest et
ainsi polluer la rivière comme c'était le cas
présentement. Toutefois, le côté négatif de la
situation était que cela impliquait à nos amis de
devoir visiter presqu'entièrement la propriété de ce
malade pour accéder à la fameuse rivière.
Ce dont ils se seraient volontairement passés. Le vent
qui soufflait dans leur direction leur apportait un
air chaud et vicié, et charriait de plus des odeurs de
nécrose et de fiel. Si bien que nos amis eurent bien
du mal à ne pas suffoquer, et il leur fallut un temps
d'adaption avant de poursuivre.
A la vue de cet holocauste qu'aucun acte humain
n'aurait pu occasionner, leurs visages se
convulsèrent, leurs poings se serrèrent et leurs
rythmes cardiaques s'accélérèrent. Ils avaient
l'impression d'être au sein d'une géhenne dont le mal
méprisable qu'elle exsudait était incommensurable, ou
pour le moins incomparable à ce qu'aucun d'entre eux
n'avait déjà connu et ne connaitrait jamais. C'était
un mal semblant issu de la fusion entre les ténèbres
planant sur la fange des premiers âges et de
l'agglomération de tous les stupres spirituels de
l'univers.
Pas un seul centimètre carré du lieu n'était épargné :
partout jonchaient des corps mutilés et complètement
déglingués, des crânes fracassés, des visages livides,
congestionnés et exprimant une douleur dépassant
largement les limites de l'acceptable et du
supportable.
Ici ou là avaient été disposés des amas de chair et
d'os d'où saillaient dans la plus grande confusion des
membres tordus et brisés ainsi que des organes
cisaillés. Ces amas abominables, dont la vision aurait
nécéssité davantage qu'un accord parental
indispensable, et au sommet desquels trônaient des
humains crucifiés et égorgés, tendaient à penser
qu'ils avaient été déposés avec autant de soins
précautionneux que des ordures ménagères jetées en bas
des immeubles dans l'attente d'être ramassées par les
éboueurs.
Notre petit groupe poursuivit malgré tout son chemin
en suivant de bien inquiétantes ornières mais aussi en
pataugeant dans du cruor qui inexplicablement ne
coagulait pas. Quant petit à petit, une plainte tout
d'abord ténue se fit de plus en plus intense jusqu'à
devenir intolérable. Et c'est alors que tout le monde
comprit que quelques corps, pour leur plus grand
malheur, étaient encore tout à fait conscients.
Ceux-ci souffraient mille maux et l'exprimaient à
renfort de gémissements et de cris pitoyables,
suraigus, évocateurs d'une souffrance battant tous les
records du monde. Ces lamentations apocalyptiques
résonnaient aux tympans des chevaliers et des autres,
les perçant presque, et leur procurant la sensation
d'avoir le cerveau embouti par une sarisse ou aliéné
comme l'eût provoqué une myriade de glas obscènes
tonitruant en coeur leur chant funèbre.
Certains parmi le petit groupe se bouchèrent les
oreilles. D'autres, afin de rétrécir leur champ de
vision, se couvrirent le visage des deux mains en
écartant juste deux doigts de telle sorte que seuls
leurs yeux étaient visibles. Mais même ainsi, on ne
pouvait échapper à l'aspect morbide du lieu.
Pris d'une soudaine panique, nos amis pressèrent le
pas, faisant fi des bruits de cartilage se rompant et
de viscères explosant sous leur passage précipité.
Mais tout à coup surgit une main tuméfiée qui agrippa
le pied du dénommé Xor et le fit tomber. Sa figure
atterrit dans un "splash" écoeurant sur une masse
visqueuse, flasque et infecte qui lui entra dans les
narines. Dès qu'il découvrit l'origine de cette chose,
ce fut bien plus qu'il ne pouvait supporter et il
poussa un hurlement d'effroi. Xor venait en effet de
réaliser que sa tête baignait dans les organes d'une
femme morte chez qui on avait fait déclencher une
colpocèle.
Fort heureusement, Xor parvint à surmonter ce choc
assez rapidement. Maintenant, lui et les autres
fixaient le propriétaire de la main malveillante. Il
s'agissait d'un homme à qui on avait arraché les deux
jambes et un bras. Pour se déplacer, il devait donc
ramper sur le ventre selon des mouvements
périlstatiques. Son dos nu était parcouru de
crevasses, signes qu'on l'avait furieusement fouaillé.
Et alors qu'il venait de se retourner, tous purent
apercevoir qu'il avait été émasculé et qu'il était
atteint d'ophtalmie. Dans un effort surhumain et d'une
voix rauque, il demanda un peu d'eau à nos amis.
Horion fut le premier à sortir de l'état cataleptique
dans lequel les avait plongé l'intrusion du
malheureux. Mais alors que le Mélomane lui faisait
avaler une deuxième gorgée, l'estropé fut pris
d'hématémèses et d'expectorations. Puis dans un ultime
suoffle, il cracha sa langue atteinte de glossite.
Quand cette dernière toucha le sol, elle se courba et
se ratatina comme lorsque l'on vient d'écrabouiller
une chenille.
Sans demander leurs restes, nos guerriers repartirent
encore plus vite, habités plus que jamais par l'envie
d'en finir au plus vite. Par bonheur, ils ne tardèrent
pas à apercevoir la rivière. Tout le monde se pressa
de se mettre au travail et d'enlever tous les
macchabées du lit de leur source vitale. C'était un
travail éprouvant, à la fois moralement et
psychologiquement, mais cela devait être fait. Et le
plus vite possible qui plus est afin d'éviter des
ennuis. Evidemment, même en tant que job d'été, cela
n'aurait pas eu un succés fou, sûrement inférieur en
tout cas à la cueillette des framboises ou des
carottes. Mais ils n'avaient pas le choix.
Tandis qu'ils n'en étaient qu'a la moitié, Colinéus et
Irma, la pythonisse de Tungwatdon, eurent des
vibrations précognitives :
- Magnons-nous ! ordonnèrent-ils, Biff arrive ! Il ne
nous reste plus beaucoup de temps.
Le groupe redoubla d'effort, balançant sans respect
les corps afin de ne pas partager leur sort peu
enviable. Ils parvinrent à terminer, et après s'être
assurés de la réussite de l'opération, ils se
dépêchèrent de revenir sur leurs pas.
Mais à bord de son tank-pelleteuse, Biff déboucha de
derrière un enchevêtrement d'os et leur barra la route
en hurlant :
- Ca va saigner ! Je vais tous vous buter ! OUARRR
!...
- Mais que font les deux vengeurs ? s'indigna Guili
pétrifié.
Les chevaliers firent alors face à leurs obligations :
ils se postèrent entre le cinglé et les villageois.
- Nous sommes les Métal Warriors !
- En chantier, je m'appelle Teuse, plaisanta
grotesquement Biff.
- Ha ! Ha ! Ha ! Ce qu'elle est bonne, rigola
Artefact.
- T'es bête ou quoi ?! le gronda Horion en lui
assénant un coup de coude dans l'estomac. C'est pas le
moment de te marrer...
- A l'attaque ! OUARRRRRRRRRRRRRR...

jeudi, avril 29, 2004

Chapître 29 : Springman

A présent que Maëlle n'était plus qu'à quelques pas de
l'étranger qui était assis face à la mer, la tête
entre les genoux, elle n'osait plus avancer. Elle, qui
sans barguigner s'était promptement décidée à aller à
sa rencontre, ne savait plus trop quoi faire.
Devait-elle user de salamalecs en lui adressant la
parole, ou bien devait-elle jouer le rôle de la jeune
fille farouche, rebelle et qui n'avait peur de rien ?
- Heu... bonjour monsieur, parvint-elle à dire sur un
air sibyllin. Je m'appelle Maëlle.
L'inconnu, qui en plus de sa toge blanche sur laquelle
étaient accrochés des petits objets représentant des
fruits et des légumes portait un turban jaune autour
de la tête se mêlant avec ses cheveux légérement
céruléens, se tourna vers Maëlle.
- Et moi Springman ! se présenta-t-il à son tour.
- Oh !... alors ainsi c'est vous qui êtes à l'origine
de ces espaces mirifiques...
- Mouais, on peut dire ça.
Le dénommé Springman regarda fixement et attentivement
¨notre déesse. Mais en fait, il ne la voyait pas. Il
semblait plutôt regarder un point situé au-delà de son
enveloope charnelle, comme s'il sondait son esprit.
Puis, les yeux dorénavant perdus dans le vague, il se
mit à parler. Et pour ce faire, il empreinta un ton
confidentiel. S'il avait souhaité que Maëlle lui
donnât l'absolution, il n'aurait pas agi autrement.
Sur le moment, lui même ne réalisait pas pourquoi il
éprouvait ce besoin si oppressant de se justifier
auprès d'elle. Il le fit pourtant. Et il trouva en la
jeune fille une personne très attentionnée et
compréhensive.
- Oui, je suis le sorcier Springman et c'est par ma
magie que j'ai créé et que je maintiens des espaces
tels que celui-ci à l'intérieur de cette contrée
maléfique. Mais je ne l'ai pas fait par vocation.
Disons sommairement que j'agis ainsi dans le but de me
dédouaner de mes turpitudes passées. En effet, dans ma
jeunesse, à l'époque où nous, les Sumériens, étions un
peuple puissant et fier, je me suis intéressé à la
magie. Hélas, force est de reconnaître que rapidement,
je me suis tourné vers la magie noire. J'ai alors pris
connaissance de la double face de l'univers et par
conséquent des démons parcourant Darkcampus, des
démons dont la noirceur d'âme n'a pas d'équivalent
terrestre. Ces créatures lucifériennes avec qui
j'avais appris à communiquer à travers ce que l'on
appelle des Tunnels d'Existence m'ont séduites : elles
me promettaient une connaissance illimitée en matière
de sorcellerie si je leur offrais des sacrifices
humains. Ce que je fis à maintes reprises durant des
années... pour ma damnation éternelle... des hommes,
des femmes, des enfants... Il en fut ainsi jusqu'à ce
que réalise la souffrance inique et cruelle que mon
provoquait mon ambition imbécile et haïssable. Du jour
au lendemain, je stoppais mes offrandes aux démons
envers qui je devais tous mes pouvoirs. Mais d'une
certaine manière, j'étais lié avec eux, et pour me
punir de mon insubordination et de ma trahison, ils
m'ont condamné à habiter à jamais leur dimension. Et
malgré ma force toute puissante, alors que je pourrais
être le maître de la Terre, je ne puis échapper à
cette sentence. Mais depuis ce jour, moi qui suis
immortel, je m'évertue à troubler leurs plans
machiavéliques, d'où la naissance de ces espaces qui,
s'ils peuvent apporter seulement un peu de réconfort
et de joie aux hommes de Darkcampus, m'aident à
oublier mon passé peu glorieux.
- Et c'est sans doute pour ça que si quelque part Dieu
existe, il vous a déjà pardonné, lui confia Maëlle en
souriant.
- Je vous remercie pour votre sollicitude, lui dit-il
en lui retournant son sourire. Seulement, je ne suis
pas un thaumaturge et je me pose depuis quelques temps
des questions d'ordre eschatologique. Je doute
effectivement de pouvoir lutter encore très longtemps
contre cette justice immanente de Darkcampus. En
particulier à cause du fait que je sens l'atmosphère
du lieu s'assombrir et se faire de plus en plus
menaçant : les forces du mal n'ont jamais été aussi
fortes qu'aujourd'hui, il flotte dans l'air comme des
perturbations malfaisantes annonciatrices d'un chaos
prochain. Les démons deviennent plus forts et je sais
que certains parmi eux sont déjà parvenus à franchir
mes barrières énergétiques.
- AAAHHHAAAAAAAAAAAAA..., bâilla Maëlle, finalement
lassée par le discours de Springman.
- Oh, mais je vois que vous êtes fatifuée. Très bien,
je vous invite chez moi. J'ai une charmante maison en
plein centre de la Forêt Enchantée. Venez avec moi.
Une fois arrivée devant la maison en question, Maëlle
dut reconnaître que son aspect propre et silvestre
était pour le moins chaleureux.
Quand soudainement et sans prévenir déboulèrent de la
porte d'entrée 5 bambins que Springman présenta comme
étant ses enfants. Ils s'appelaient Jay, Magheor, Rei,
Hankan et la petite dernière Tique. Tous se
précipitèrent vers leur père, le visage vultueux. A ce
sujet, le sorcier expliqua à la première admiratrice
de JTG que ces larmes étaient dûes à la disparition
inexpliquée dans l'après-midi de leurs 4 petits
compagnons de jeu : des chatons tendres et dodus. Bien
évidemment, tout en réprimant un rot, souvenir
savoureux de son dernier repas, Maëlle feigna de
partager la peine des 5 enfants, ce dont ces derniers
lui furent fort gré. En fait, mis à part Tique, tout
ce petit monde sympathisa très vite avec la nouvelle
venue et sa seule présence suffit à soulager leur
peine et à agir sur eux comme un lénitif. Du reste,
Jay, Magheor, Rei et Hankan commencèrent à lui
préparer un dîner chaud et copieux ainsi qu'un lit
douillet.
A l'écart de ce chambard, Maëlle apprit auprès de
Springman que la mère de ces chérubins était décédée
récemment suite à l'intrusion d'une créature tout près
de là. Le corps méconnaissable qu'en avait fait le
démon avait été découvert par Tique. Depuis ce jour,
celle dont le jeune âge nécessitait le plus la
présence d'une mère, avait perdu l'usage de la parole
et vivait dans son monde d'autiste. Même son puissant
père ne parvenait pas à l'aider à surmonter ce choc
psychologique.
Après un joyeux repas, tout le monde finit par aller
se coucher. Cette nuit-là, seule Tique ne dormit pas,
trop bouleversée par Maëlle qui avait fait ressurgir
en elle des sentiments oubliés...
Aux premières lueurs du jour, les 5 enfants
réveillèrent doucement leur invitée et l'incitèrent à
les suivre dans les bois :
- C'est pour faire une surprise à Papa, lui souffla
Jay.
Maëlle ne sut refuser, en dépit de son attachement
génétique aux grasses matinées.

Non loin de là, Micantecutli pleurait sur la mort de 5
de ses serviteurs, et un seul mot obsédait son esprit
: "vengeance" !
Il franchit la barrière d'énergie.

mercredi, avril 28, 2004

Chapitre 28 : Bienvenue en Enfer

Les 2 cavaliers hâbleurs et atrabilaires étaient partis en avant, pour le plus grand bonheur des Métal Warriors en qui la propension à supporter les sarcasmes et les rodomontades n'étaient pas très développée.
La nuit était tombée maintenant. Pourtant, un peu plus loin au nord, dans la direction qu'empruntait ce groupe d'humains, il brillait comme une étrange lueur, à la fois fantomatique et nitescente, qui semblait sortir du sol et dont la teinte incarnate ne présageait rien de bien fameux. Les chevaliers devinèrent qu'ils n'étaient plus très loin du
Territoire Pourpre, le territoire de Biff.
Au cours du trajet, ces derniers furent intrigués de constater qu'ils s'étaient mis à suivre un étroit corridor aux flancs escarpés et marmoréens. A ce propos, Guili les informa que leur rivière avait suivi ce chemin même en des temps reculés, ce qui avait eu pour effet de donner naissance en ce sol poreux à un petit canyon. Suite aux aléas du temps, le lit de la rivière s'était vu déplacer et passait dorénavant plus à gauche, au bord de la Forêt Enchantée qui bordait l'inconnu de l'océan.
Toujours est il que ce canyon était l'itinéraire le plus direct pour se rendre dans le territoire de Biff. La propriété de Biff qui d'ailleurs commençait dès après l'extrémité septentrionale du canyon. Et au fur et à mesure que Guili et les siens se rapprochaient de cette extrémité, ils s'étaient faits de plus en plus taiseux comme si l'angoisse avait opéré sur leurs cordes vocales un acte érugineux. Toutefois, seuls et un peu en retrait, Colinéus et la femme aux seins cyclopéens laissaient échapper quelques rires complices. Le Gardien de la Force, qui éprouvait toutes les peines du monde pour seulement apercevoir encore davantage de cette poitrine au ballottement provoquant, ne réussit qu'à attraper un début de torticolis et à amuser la très rouée jeune femme. Cependant, fort de ses innombrables échecs affectifs vécus dans le Vrai Monde, Colinéus savait pertinemment qu'il n'avait plus à attendre très longtemps avant que sa désirée ne cédât à ses avances et pouvoir ainsi soulager ses idées libidineuses.
Quant aux deux autres Métal Warriors, dans l'attente d'actions à venir et vu qu'ils ne trouvaient plus personne avec qui s'entretenir, ils s'occupaient comme ils pouvaient. Horion ne quittait pas du regard Paltemps et sa tête montée sur ressort dont le balancement contredisait toutes les lois physiques qu'ils avaient encore souvenir et qu'il avait médiocrement tenté d'assimiler dans les livres
poussiéreux et abstrus de la bibliothèque de son université. Artefact, pour sa part, très affecté su sentiment d'avoir été honni par les 2 cavaliers, imaginait quelles tortures il infligerait à ceux qui avaient osé porter la main sur son illustre personne. Tel était l'état d'esprit de nos champions quand, entre 2 coudes rapprochés, la petite troupe se trouva face à face avec une arche purpurine et pantagruélique dont les piliers malveillants de par les sigles obscènes qui les sillonnaient pareillement à des rides étaient encastrés dans la pierraille. Du sommet de
l'arche et tels des tentacules de plusieurs centaines de pieuvres aux âmes corrompues, retombaient des lianes desséchées et recouvertes d'épines au bout desquelles suintait un liquide bistre et glutineux comme issu directement du limon originel. Ces lianes, ou quoique ce fût d'autres, étaient agitées de mouvements frénétiques donnant ainsi l'impression de vouloir happer tout ce qui eût pu passer à leurs proximités afin de nourrir invariablement l'entité invisible à qui elles appartenaient, et dont on pouvait ouïr malgré la distance les bruits de succion spumeux de sa bouche affamée.
Heureusement pour le petit groupe, les 2 vengeurs étaient manifestement déjà passés ici car il était clair qu'on avait fraîchement coupé les lianes qui auraient pu entraver leur marche.

- Hum..., voici la porte d'entrée du territoire de Biff, crut bon de préciser Guili d'une voix grumeleuse.

- Hé Horion, t'as vu ce qui est marqué tout en haut ? demanda Artefact pétrifié.

- Oh mon Gnôle ! fit le Mélomane.
- "Vous qui pénétrez ce lieu, abandonnez tout espoir.", lut à haute voix Colinéus.

Cette phrase à l'écriture cunéiforme était encore pire qu'un avertissement. Elle ne laissait entrevoir aucune voie de secours comme si la mort était un fait entendu pour quiconque franchirait cette porte, semblable à la marque indélébile d'un fer chaud sur un quartier de bœuf. Qui plus est, elle provoquait sur tous ceux qui la fixaient d'en bas un sentiment profond d'abattement, de désespoir et leur inoculait perfidement les germes de la peur, du doute et de la perte de toute confiance en soi.
Mais en aucun cas, en dépit de la vague d'effroi et des ondes négatives qu'elle véhiculait, cette phrase n'aurait pu agir telle une impedimenta chez les hommes que Guili avait précautionneusement sélectionné dans son village et encore moins chez les Métal Warriors dont la sapience acquise au fil de leurs aventures leur permettait d'échapper à toute faiblesse mentale de ce genre.

Subséquemment, tout le monde sans exception s'avança droit et infaillible vers l'arche comme l'aurait fait un homme fermement résolu à demander sa fiancée en mariage. Toutefois, en traversant ce monument, personne n'osa porter son attention sur les dessins qui recouvraient principalement l'intérieur des piliers car à la seule sensation de les frôler, cela suffisait à raidir les muscles ainsi qu'à donner une chair de poule glaciale et à faire parcourir le long du corps des picotements comme si celui-ci s'était transformé en autoroutes pour iules et scolopendres.
Une fois l'arche traversée et le coude suivant franchi, le canyon prit brutalement fin... et alors s'offrit devant les yeux écarquillés de ces humains une partie du Territoire Pourpre, un domaine de désolation auprès duquel les massacres engendrés par des guerres nucléaires auraient conféré un juste reflet. Partout gisaient des dépouilles pourrissantes d'hommes et de créatures parfois encore en vie, mais également d'innombrables amoncellements d'os comme si un adepte de scapulomancie avait voulu prédire la vie jusqu'à la fin des temps. Tout était de la couleur du
sang dans un espace d'à peu près 10 hectares.
Les chevaliers et les autres n'avaient pas le choix : ils devaient avancer dans cet espèce d'hypogée à l'air libre qui dégageait des relents indicibles de vie quittant ou ayant quitté des corps dépourvus de matières balsamiques.
La gorge sèche, les yeux tremblotants au bord des larmes et la peur au ventre, ils commencèrent leur périple dans le territoire de Biff qui selon toute vraisemblance était absent... du moins pour l'instant !

mardi, avril 27, 2004

Chapître 27 : Temps mort

Durant la brève traversée de la barrière d'énergie, Maëlle ne ressentit rien, juste de légers crépitements capillaires dûs à l'électricité statique. Malgré tout, une fois de l'autre côté, elle n'osa plus avancer, tant elle était fascinée par tout ce qui l'entourait désormais. Il lui fallait en effet un peu de temps pour se remettre du contraste saisissant entre les atmosphères morbides qu'elle venait de quitter et celle dans laquelle elle baignait maintenant qui n'était plus sujet à la faire endêver et à la débiliter.

Maëlle se dit que si le paradis existait, alors elle l'avait trouvé, en plein coeur de Darkcampus ! Même sur Terre, elle n'avait jamais connu un endroit dégageant une telle quiétude. Ainsi, elle se trouvait aux abords d'une accueillante clairière en forme de rhomboïde. Les branchages des arbres la jalonnant faisaient office de voûte céleste dont la qualité première était de maintenir une température douce et agréable. Ici ou là était accordé
le filtrage de certains rais, lesquels, de par leur apparition aléatoire, tendaient à penser que le soleil jouait à cache-cache avec la faune et la flore. Les seuls bruits perceptibles étaient le bruissement des feuilles, aussi doux que le chant d'une berceuse d'une mère à son enfant, accompagné des battements d'oiseaux qui jabotaient gaiement.

Le sol en lui même était tellement recouvert de fleurs généreuses et diverses qu'il donnait l'impression d'être un tapis orné de motifs floraux en 3 dimensions. Avec ravissement, Maëlle observait que parmi ces fleurs des papillons aux ailes majestueuses voyageaient en toute complicité avec des insectes bourdonnants, chacun semblant arborer un air de contentement car chacun trouvant son bonheur dans ce qu'avait de plus beau à leur offrir tous ces cœurs jaunes auréolés de pétales finement dessinées et aux couleurs resplendissantes se mariant divinement entre elles. Et c'était sans compter sur les parfums suaves et capiteux que ces fleurs exhalaient dans l'air ambiant sans d'autre but que de se faire désirer et de faire partager à tous ce que la nature leur avait
Gracieusement octroyé.

Dans un coin de verdure au milieu de la clairière, une demi-douzaine d'attendrissants petits lapins jouaient et gambadaient dans une insouciance et une innocence infantiles qui faisaient plaisir à voir. Cette simple contemplation aurait ou aurait du suffire à amadouer le plus acharné des chasseurs ainsi qu'à arracher un début de sourire à un cœur brisé. Maëlle s'avança doucement, en prenant bien garde de ne pas perturber cet équilibre paisible ; elle faisait encore plus attention que dans ses années d'adolescente, à une époque où elle rentrait chez elle à une heure indue sans vouloir réveiller des parents non informés de ses escapades nocturnes. Elle désirait seulement communier et se fondre dans cette symbiose. En faire partie intégrante.
C'est alors qu'elle entendit un léger clapotis, puis elle aperçut un petit ruisseau, bordé de galets, se frayant avec harmonie un mince passage au sein des fleurs. Un peu plus en amont, des oiseaux plongeaient leur bec dans l'eau tandis que d'autres pataugeaient et s'éclaboussaient mutuellement dans des gestes similaires de cours de récréations. Si ce n'est que Maëlle ne distinguait aucun cri de bambins. Aucun rire. Aucun pleur. En ce moment précis, Maëlle se rendit compte ô combien elle était affreusement seule et ô combien elle était loin de chez elle. Elle sentit une pointe de tristesse transpercer son cœur déjà bien éprouvé et ses yeux s'embuèrent de larmes, leur procurant un éclat cristallin d'une infinie affliction.
Mais pourquoi avait-elle était assez stupide pour ne pas avoir pensé à demander à Menthalio s'il savait comment sortir de Darkcampus ? Car bien sûr c'était possible, Punisher l'avait bien conduite ici ! Devait-elle se débrouiller toute seule comme une grande fille ? Ou bien lui fallait-il compter sur les Métal Warriors ? Ou bien... ou bien était elle ici pour faire quelque chose ? Que tel était son destin depuis toujours ? Il est exact que bizarrement, elle ne s’était jamais cru capable de supporter ce qu'elle avait déjà supporté. D'où lui venait cette volonté de ne pas tomber dans la folie, de ne pas se rendre, de ne pas se suicider afin d'échapper à des tortures inconcevables, voir même de posséder des ressources physiques insoupçonnées ? Et puis d'abord, qu'est ce qui l'avait sauvée des Goules ?...

Maëlle secoua la tête de façon à évacuer ces obscures questions sans réponses. Elle se mit à genoux au bord du ruisseau et observa son visage reflété dans l'eau : elle constata que ses traits étaient d'une part moins acrimonieux qu'il y avait quelques instants, et d'autre part assouplis par son récent repas. Mais surtout, elle se trouva encore désirable. Depuis toujours, elle se savait mignonne et jamais elle n'était restée insensible aux regards concupiscents ainsi qu'aux sifflets admiratifs bien que désobligeants que provoquait son passage chez les jeunes hommes. Néanmoins, elle n'avait jamais abusé plus que ça de son physique avantagé, excepté bien sûr pour des exposés oraux ou pour obtenir d'un homme tout ce qu'elle voulait et se jouer de lui. En tout cas, Maëlle n'avait pas encore entretenu une relation suivie qui lui aurait ôté une indépendance à laquelle elle accordait une grande importance. Et ceci pour la plus grande frustration de ses nombreux prétendants, cachés dans l'ombre et prêts à bondir. Maëlle trempa une main dans le ruisseau afin de recueillir un peu d'eau. L'image de son visage s'éclipsa...

Alors que le soleil descendait sur l'horizon et qu'une fine pellicule de rosée vespérale s'était déjà déposée sur les feuilles, Maëlle entreprit de quitter cette clairière afin d'examiner plus encore cet espace magique. Sans s'en rendre compte, elle se mit à s'ébattre et à chantonner un air de son enfance. Elle promenait ses mains le long de l'écorce des arbres et faisait des détours pour humer chaque fleur qu'elle voyait. Elle avait l'intime sensation de faire corps avec les dryades, les sylphes, les ondines et autres génies de la terre. Il en fut ainsi jusqu'à ce elle atteignît une plage de sable fin inondée crépusculaire, et où la marée montante étalait ses vagues comme dans une énième tentative pour s'agripper à la surface terrestre. Sans se poser de questions, notre héroïne se déshabilla entièrement et plongea dans l'eau turquoise pour se purger de toutes les horreurs subies, mais aussi par pur plaisir.

Après quelques longueurs, elle se mit sur le dos et se laissa porter par le courant marin comme une simple feuille. Sa silhouette gracile tranchait élégamment au contact de la mer si bien que d'en haut on aurait pu la confondre avec un récif corallien, augurant donc d'un identique plaisir profond pour les yeux accompagné d'identiques pensées les plus folles tout en gardant à l'esprit qu'il fallait un certain doigté pour s'approcher et être invité à toucher. Toujours d'en haut, on aurait pu prendre sa toison scalène pour le déplacement d'une méduse dont le corps aurait été son Mont de Vénus. Ses seins proéminents, pointant fièrement leur sommet auréolaire rose vif vers le rouge-orangé du ciel, étaient comme un cornet de 2 boules de glace à la fraise surmontées de 2 cerises que semblait lécher sensuellement la mer dans son mouvement de va-et-vient. Tandis que le soleil s'était couché et avait cédé le
Royaume des cieux à une lune voilée, Maëlle était toujours dans l'eau. Elle était aux anges. La mer qui l'entourait était comme autant de caresses d'un amant à mille mains et au savoir-faire inégalable.

Cette tranquillité presque assourdissante fut pourtant interrompue par un hurlement indescriptible plus loin au nord. Un hurlement inhumain bien qu'humain, auquel s'ajouta un bruit que Maëlle prit pour un moteur de tracteur. Il n'en fut pas plus pour faire revenir la jeune fille sur la plage et lui rappeler où elle était. Et c'est en revenant qu'elle le vit, légèrement au sud, un homme vêtu d'une toge blanche, d'une cape rouge et recouvert d'étranges petits objets. Il avait l'air maussade et ne semblait pas avoir aperçu Maëlle.
Celle-ci, une fois rhabillée, alla dans sa direction.

lundi, avril 26, 2004

Chapître 26 : La loi de la concurrence

- Mais arrête de déconner Artefact ! C'est quoi cette nouvelle fadaise ? se moqua Colinéus.

- Si, si, je vous jure, y'a des humains dans des armures romaines là-bas, insista l'Erudit parti en éclaireur.


Les 3 supers héros, qui maintenant ignoraient totalement où pouvait être Maëlle, avaient marché en direction du nord-ouest après le choix concerté et réfléchi du "Amstramgram pic et pic et colegram". Artefact, heureux comme un roi d'avoir retrouvé sa pleine condition physique, était parti légèrement en avant et, tandis que sous le couvert des nuages la luminosité allait diminuant en prémices d'une nuit prochaine, il venait d'apercevoir un groupe d'hommes à une centaine de mètres sur la gauche.

- Bon sang, tu avais raison, dit Horion une fois qu'il eut regardé dans la direction que lui indiquait son ami.

Cependant, cette vision qui pouvait sembler incongrue en plein cœur de Darkcampus, ne les troubla pas plus que ça. Effectivement, après ce que leur avait raconté Lovecraft, ils étaient préparés à voir tout et n'importe quoi. Du moins, ils le souhaitaient. Les Métal Warriors émirent les hypothèses suivantes, à savoir que tout démoniaque qu'il fut, Hominéral n'avait peut-être pas pu empêcher le développement des hommes ou encore que ces hommes s'étaient regroupés après s'être sauvés de Friskies ou après avoir été victimes de Tunnels d'Existence. Ils optèrent pour les rejoindre. Toutefois, alors que les chevaliers approchaient de ce groupe d'une vingtaine d'hommes, leur allure tout d'abord décidée se fit de plus en plus hésitante. Et pour cause, ces hommes et ces quelques femmes affichaient tous un air patibulaire et tous sans exception portaient un glaive ou une arme contondante. Une femme à forte poitrine qui était à l'arrière du groupe avait été la première à apercevoir les chevaliers et en avait averti ses compagnons. Maitenant, ils étaient tous de front et attendaient que notre boys'band s'avançât un peu plus, tout en serrant plus fermement leur arme.

Arrivés à environ 10 mètres de ces humains, les Métal Warriors préférèrent s'arrêter. Car même s'ils avaient rapidement conclu qu'ils n'avaient rien à craindre de ces pauvres diables et qu'ils pouvaient n'en faire qu'une seule bouchée en un clin d’œil, ils ne souhaitaient pas créer d'incidents diplomatiques et figurer à la une des journaux du lendemain. L'un des humains, un petit homme replet au visage ambré et buriné, prit la parole en s'adressant aussi bien à nos idoles qu'à ses compagnons :

- Baissons nos armes. Il est clair que nous ne sommes pas ennemis.

Puis, à l'attention d'un escogriffe dont la tête qui paraissait être montée sur ressort eut pour effet immédiat d'agacer Horion, il ajouta :

- Paltemps, va donc faire partager nos provisions avec nos nouveaux amis. Ils m'ont l'air d'avoir faim.

Le dénommé Paltemps opina et s'exécuta. C'était bien sûr une invitation qui avait pour but de détendre l'atmosphère. Et cela fut très convaincant. Les chevaliers ne se firent pas prier pour passer à table et très vite la petite troupe se mit à converser tous ensemble.

Tout le monde assis en cercle, la femme aux gros seins bombardant d’œillades un Colinéus qui se donnait beaucoup de peine à garder son calme, les chevaliers apprirent que le petit homme grassouillet se nommait Guili et qu'il était le chef de Tungwatdon, un village plus loin au sud. Lui et ses hommes avaient entrepris ce voyage pour une mission très importante et extrêmement dangereuse justifiant le port d'armes. En fait, il s'avérait que l'eau douce était un élément rarissime en Darkcampus et que la rivière qui alimentait leur village s'était peu à peu polluée. Ils en savaient la raison parce que ce n'était pas la première fois que cela se produisait. Ainsi donc, ils devaient se rendre en amont, dans le Territoire Pourpre de Biff, dit le Maniaque à la Pelleteuse, un monstre d'une cruauté insensée qui passait son temps à chasser tout ce qui ressemblait à un être vivant, à le trucider et à l'entasser dans sa propriété. Et c'était certainement en raison d'un afflux récent de bidoche fraîche que la rivière s'était vue encombrée de macchabées agonisant, des macchabées que Guili et les siens devaient dégager du lit de leur source de vie pour la sauvegarde de leur peuple.

- Il est vraiment aussi terrifiant que cela ce Biff ? douta Colinéus. Et d'abord, à quoi il ressemble ?

- Nul ne le sait ! répondit Guili. Tous ceux qui l'ont vu n'ont pas été à même de nous le décrire. S'ils l'ont vu, c'est qu'ils en étaient trop près et qu'ils en sont morts. Seule Hara, la petite fille qui nous accompagne l'a aperçu de loin. Hara ! Explique à nos amis ce que tu as vu.


Mais ce qu'on demandait à la fillette était pire qu'un calvaire. Elle put seulement blêmir. Ensuite elle se couvrit la figure de ses mains en écartant légèrement 2 doigts de telle sorte que seuls ses yeux étaient visibles. Elle voulait exprimer par là qu'on ne pouvait décrire et regarder un être d'une telle immondité abjecte.

Ce geste surprenant troubla les chevaliers. Cependant, et bien que leur mission principale consistait à retrouver Maëlle, ils se proposèrent d'aider ce peuple d'humains.

- C'est que..., hésita Guili.

- C'est que quoi ? interrogèrent les chevaliers.


- C'est que tel n'est pas votre rôle, malandrins ! leur répondirent 2 hommes montés sur des chevaux et qui venaient d'arriver.

- Vous êtes qui vous ? voulut savoir Colinéus.


- Je suis le Vengeur Masqué, se présenta celui qui était habillé comme un mousquetaire. Et ne vous hasardez pas à rester en travers de mon chemin. Regardez ce dont je suis capable.

Sur ces paroles, le Vengeur Masqué tira son épée et lui fit faire un mouvement rapide de bas en haut : plus loin un arbre se divisa en 2, comme victime de la foudre.

- Alors, impressionnés, faquins ? fanfaronna-t-il.

- Moi je suis le Vengeur Solitaire, dit le second cavalier dont la musculature mise à nue était sincèrement impressionnante.

Il avait pour arme un canon laser qui avait pour don de désintégrer tout objet comme il leur en fit la démonstration.

- Alors qu'en pensez-vous, cuistres ?

- Hum, sans doute les héros locaux, pensa Colinéus.

- Hé, c'est pas bientôt fini de nous insulter, vauriens ! s'énerva Artefact. Vous ne savez pas à qui vous avez affaire.

- Sacrebleu, quel toupet ! fit le Vengeur Masqué.

Sur ce, il descendit de cheval, s'approcha de l'Erudit et, ayant retiré son gant, il lui infligea un soufflet. Artefact, abasourdi et rouge de colère, ne remarqua pas le Vengeur Solitaire qui, flegmatique et hautain, le calota de la même façon en disant :

- Quand nous en aurons terminé avec cette affaire, nous règlerons notre contentieux.

- Non, cette fois c'en est trop ! hurla l'Erudit en empoignant sa craie.

Mais Horion le retint. Il venait de s'entretenir à voix basse avec Guili et il avait appris que son peuple avait engagé ces 2 mercenaires afin de les épauler. On pouvait dire que ces 2 vengeurs étaient des légendes vivantes à leurs yeux et leur seule présence insufflait à ses hommes courage et volonté. Par conséquent, mieux valait ne pas se mesurer contre eux, même si pour le trio, ces mercenaires n'étaient guère dangereux.

- Il ne faut pas leur montrer qui nous sommes, dit Horion à ses collègues, de façon à ce qu'ils ne nous considérent pas comme des rivaux potentiels. D'autant qu'on leur a promis 20 000 diracs, ce qui au cours actuel équivaut quand même à environ 640,58 francs. D'un commun accord mais avec la frustration de ne pas avoir à se mettre en valeur, eux les amateurs d'applaudissements, ils promirent de rester passifs et de simplement accompagner Guili et se compagnons.

- Très bien, acquiesça le Vengeur Masqué. Du moment que vous ne nous génez pas, espéce de gueux !

- En route vers le Territoire Pourpre, mécréants, enchaîna le Vengeur Solitaire.

dimanche, avril 25, 2004

Chapître 25 : Un nouveau départ

Allongée à même le sol, Maëlle revenait péniblement à elle. A l'orée de sa conscience résonnaient encore les terribles cliquetis des outils des Goules dont la cadence rapide et violente lui rappelait la double pédale de Rhino, le batteur de Manowar. Tandis que les derniers bans de brume de son sommeil se dissipaient petit à petit, une révélation lui vint du fin fond de son esprit. Elle sut alors qui était le maître des Goules. Il se nommait Micantecutli, le puissant seigneur des morts chez les Aztèques et les Mexicains.
Celui qui selon leurs légendes se déplaçait la tête en bas et moissonnait les morts la veille de la Toussaint dans l'unique but de les dévorer et de déverser 6 mois plus tard leurs restes en guise d'offrande à Nepauz-Had, la déesse Lune vénérée du temps de l'ancienne Egypte. Maëlle comprit tout ceci alors qu'elle n'avait jamais lu quoique ce soit ayant un rapport direct ou indirect avec les croyances
précolombiennes. C'était comme si une voix intérieure lui avait inculqué de force cette vérité en partie effrayante. D'autant plus effrayante d'ailleurs que ces connaissances ne purent lui dissimuler le caractère vindicatif de Micantecutli qui s'occupait personnellement de tous les assassins de ses nervis en leur promettant une longue et invraisemblable agonie.
Et à la simple perception furtive de cette confrontation promise, Maëlle sortit brusquement de sa léthargie et ouvrit les yeux. Elle se sentait lasse comme jamais elle ne l'avait été, vide de toute énergie. Elle ne parvenait pas à mettre de l'ordre dans ses idées, tout était flou et confus comme au lendemain d'une beuverie. Malgré ses efforts, elle ne put se souvenir de ce qui avait suivi l'instant où les Goules l'avaient hypnotisée, mais elle éprouvait un étrange sentiment, comme si son esprit se refusait à s'avouer à lui-même ce à quoi il avait assisté et ce à quoi il ne pouvait croire pour non conformité humaine.

Tout en déglutissant pour chasser un détestable goût métallique qui imprégnait sa bouche, elle se mit sur son séant. Les yeux exhorbités exprimant un profond dégoût, elle découvrit alors avec horreur qu'elle baignait dans une mare de sang ayant pour écueils des monceaux déchiquetés encore fumants de cartilage et de viande grasse exhalant une odeur aigre d'équarissage. Plaqués contre les parois des rochers, Maëlle distingua des organes lacérés parcourus d'ultimes spasmes comme dans une tentative désespérée pour maintenir en vie un corps qui pourtant n'était plus. Dans les arbres étaient nichées des carcasses éventrées d'où dégouttaient dans un glouglou à la régularité déplacée et agaçante des substances vitales devenues inutiles. Mais le plus terrible résidait dans le fait que de ces carcasses pendouillaient
misérablement des chapelets d'intestins balancés par le vent comme pour imiter dans une dernière ironie le mouvement d'une pendule égrenant un temps dont ils n'auraient plus à se soucier. Ce spectacle funèbre donnait l'impression d'une autopsie qui aurait mal tourné.

En dépit de tout ce qu'elle avait déjà enduré, Maëlle fut prise de secousses nauséeuses. Cependant, puisqu'elle n'avait rien mangé depuis bientôt 4 jours, elle n'avait rien à vomir si ce n'était un brûlant filet de bile qui lui fit arracher un gargouillis étouffant. Terrifiée, Maëlle n'osait faire un seul mouvement. Quand du coin de l’œil, elle perçut un mouvement. Il s'agissait de Menthalio qui venait dans sa direction tout en lui faisant signe de la main. Afin de s'approcher de sa maîtresse sans se salir les pieds dans ce sang vaseux, le psycho se servait de ce qui faisait office d'écueils comme d'un gué naturel. Pourtant, bien qu'il sautait de l'un à l'autre avec une agilité certaine, il faillit bien perdre l'équilibre en posant le pied sur un crâne décharné.

Mais alors qu'il semblait avoir fait le plus difficile dans son parcours, le psycho, parangon de tout ce qui est déconcertant et imprévisible, abandonna l'idée des écueils et opta pour avancer et patauger dans ce liquide insalubre où il était très pénible de progresser en raison de tous les pièges organiques gluants qu'il recelait. Néanmoins, il parvint jusqu'à Maëlle.

- Moi t'apporté à manger, yep, yep, s'exclama-t-il.

De facto, il sortit de son sac en bandoulière une dizaine de fruits juteux, 4 petits animaux ressemblant à de tendres et mignons chatons âgés de 2 semaines, mais également des noix de coco qu'il avait consciencieusement coupées en 2 et remplies d'eau. Maëlle ne prit même pas la peine de le remercier et s'empara avec voracité de tous ces produits qu'elle faisait disparaître dans sa bouche en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire. Elle bâfra. Et au fur et à mesure que sa panse se remplissait, elle sentait sa constitution se raffermir à vitesse grand V. S'essuyant le menton du revers de la manche, elle regarda Menthalio. Certes, ce n'était pas le genre d'accointances dont elle avait rêvé et dont elle se vanterait plus tard, mais devant la sollicitude qu'il montrait à son égard, elle était prête à faire preuve de mansuétude et à accepter sa présence qui la rassérénait même si cela incluait évidemment de devoir supporter la verdeur de ses paroles. Après tout, c'était bien peu de choses en comparaison de tout ce qu'il pouvait lui apporter. D'ailleurs, elle souhaita le remercier sincèrement pour son aide mais se dispensa de l'embrasser. Elle se contenta de lui serrer ses mains calleuses aux ongles atteints d'onyxis. Puis elle lui demanda :

- Où as-tu trouvé cette nourriture ? J'ai beau me tourner de tous les côtés, je ne vois que misère et abandon.

- Toi me suivre, yep, moi te montrer, s'enflamma le psycho l'invitant à le suivre. Bon endroit de sécurité pour toi.

La Belle et la Bête partirent donc de ce lieu qui paraissait avoir été l'objet d'une raspoutitsa localisée, et arrivèrent après une courte marche devant une muraille à l'aspect surnaturel. Maëlle fut surprise de constater que cette très haute muraille, dont elle ne voyait pas les extrémités ni à droite ni à gauche, était parcourue d'étincelles bleutées d'électricité statique et n'était pas faite de matière solide. C'était plus un genre de voile ou un champ de force. Le plus troublant toutefois, et malgré l'opacité de cette barrière d'énergie, était que Maëlle était sûre de discerner que de l'autre côté se trouvait un monde tout à fait différent, même s'il était la continuité de celui dans lequel elle était présentement. En fait, il semblait que par delà la
barrière le soleil brillait, que subitement le sol devenait fertile et que la paix se substituait à l'hostilité.

Menthalio expliqua à sa maîtrese que derrière la muraille existait un domaine qui était l'oeuvre de Springman. Nul ne connaissait ses origines mais ce qui importait était que c'était un adversaire de Hominéral et par conséquent un allié éventuel. Par sa magie, Springman créait des espaces comparables à la Terre mais où le danger n'était quand même pas exclu. Et c'était justement dans cet espace que Menthalio avait trouvé la nourriture. Cependant, compte tenu de sa condition de psycho, il ne pouvait supporter longtemps un lieu tel que celui-ci, si bien qu'il encouragea Maëlle à y aller seule en lui promettant qu'il la retrouverait si elle décidait d'en sortir.
Ainsi donc, en dépit de son récent attachement à Menthalio, Maëlle le quitta et pénétra ce champ de force. Elle découvrit un monde nouveau et inattendu.

samedi, avril 24, 2004

Chapître 24 : Trop beau pour durer

C'était un site que tout observateur avisé aurait pu qualifier d'idyllique et de bucolique. C'était une plage de sable fin inondée de lumière crépusculaire.
La mer paisible miroitait les derniers rayons du soleil sur le point de disparaître derrière l'horizon qui séparait délicatement le rouge-orangé du ciel du bleu turquoise de l'eau. Aux abords de la plage, la végétation était luxuriante, composée de platanes, de palmiers et d'arbres à la frondaison abondante et riche en fruits savoureux qui fleuraient de frais desserts savamment concoctés. Cette végétation abritait diverses variétés d'oiseaux et d'insectes qui, en cette quiète soirée d'été, se livraient un
duel sans merci en étalant chacun tout leur répertoire musical afin de se voir décerner le prix honorifique du meilleur chanteur du jour. Les feuilles, sur lesquelles s'étaient déjà déposée une mince pellicule de rosée vespérale, se balançaient doucement au gré d'une légère brise côtière, diffusant dans l'atmosphère des reflets chatoyants.
Bien qu'on eût pu légitimement en douter, ce paysage était situé dans Darkcampus, mais il appartenait à Springman, un sorcier qui refusait avec abnégation de se soumettre aux règles imposées par Hominéral. Sa façon de lutter consistait à maintenir des espaces comme celui-ci au sein même des turbulences maléfiques. En somme, c'était un moyen de prouver que les intentions louables pouvaient également vaincre dans la dimension diabolique. A l'intérieur de ces hâvres de paix relative s'étaient développées une flore, une faune et des colonies d'humains tout à fait comparables à celles de la Terre. Certes, le niveau technique était moindre pour ces humains, mais leur mode de vie présentait de réelles similitudes. Sur la plage, à la laisse de la marée montante, ils étaient 2, un homme et une femme, allongés l'un contre l'autre. Il s'appelait Kit et elle s'appelait Kat. Depuis peu, ils étaient amants, et la torride passion des premiers moments passés ensemble les liait intimement. Kit se tourna sur le côté et susurra quelques mots doux à l'oreille de sa bien aimée qui esquissa un sourire dévoilant ses dents blanches désertées par le tartre. Puis il se dressa et s'appuya sur son coude pour contempler les yeux de Kat. Il se noya dans ses pupilles vertes-émeraudes et distingua avec délectation que sa propre personne était leur centre d'intérêt principal. D'une main, il lui caressa tendrement les cheveux et les joues, ensuite il lui effleura les lèvres sans quitter du regard, ne fut-ce qu'un court instant, ses yeux dont il n'aurait su déterminer précisément l'indice de réfraction. Il était exact cependant qu'à l'heure actuelle, ce n'était pas son souci majeur. Kit préféra plutôt glisser sa main dans l'échancrure du chemisier de Kat et de lui palper les seins.
L'Autre était là. Depuis un bon moment, il était là et il les observait. Kat se laissa dévêtir de son chemisier pour que son amant fût plus à l'aise dans l'entreprise à laquelle il s'était instinctivement voué. Devant ces bonnes dispositions, Kit se mit à califourchon sur elle et lui massa avec plus d'application les seins dont les mamelons ne tardèrent pas à durcir et à se dresser. Ses seins étaient menus mais fermes, aussi n'éprouvait-il aucune difficulté à les empoigner et à s'en remplir les mains. Ils ne s'embrassèrent pas. Pas encore. Ni l'un ni l'autre n'osait faire le premier pas, le baiser représentant tant de choses à leurs yeux que son authenticité en tant que symbôle d'un amour réciproque ne devait pas être usurpée. Les 2 amants firent donc monter en chacun d'eux un plaisir ardent de baiser enfiévré jusqu'à ce qu'ils ne fussent plus capables de tenir plus longtemps. Alors, conjointement, d'un accord tacite, ils se décidèrent. Tout d'abord, leurs lèvres se frôlèrent avec une courtoisie polie puis s'entrouvrirent et donnèrent naissance à un baiser plein de fougue et de frissons où 2 langues se débattaient avec frénésie et exploraient sans gêne la bouche de l'autre. Derrière les buissons jouxtant les premiers grains de sable, l'Autre était toujours là et ne manquait pas un seul de leurs gestes. Sa respiration s'était accélérée. Un profond et irrépressible sentiment de frustration et de colère s'emparait de son esprit. Dès qu'il eut ôté son pantalon, Kat tâtonna un peu avant de trouver l'objet de son désir : le pénis de Kit. Elle fut heureuse de constater que ce dernier était déjà gonflé à mort, prêt à l'emploi. Elle promena de haut en bas et de bas en haut sa main le long de la hampe et titilla le gland luisant jusqu'à ce que son amant frémît d'extase. Pour sa part, Kit lui lécha le cou puis la vallée de sa poitrine, lapa ensuite son nombril et atteignit sa vulve. Là il s'enfouit le visage dans la fourrure pubienne et suça son sexe qui se dilata et se poissa de sécrétions vaginales. Kat se mit à haleter furieusement, elle était prête à le recevoir. Par dessus la crête des collines surplombant cette crique, un croissant de lune était apparu et s'était substitué à l'astre solaire parti sous d'autres cieux. Bizarrement, bien que le ciel fût limpide, la clarté lunaire était voilée et ne suffisait pas à transpercer les mystérieuses ténèbres inquiétantes qui s'étaient subrepticement amassées sous les arbres, ainsi que les nappes de brouillard filandreuses qui s'étaient agglutinées sur la plage. Les insectes et les oiseaux s'étaient tus, semblant retenir leur souffle. La mer paraissait s'être retirée à la sauvette et était parcourue de rides, toutefois on n'aurait pu affirmer si ces rides étaient dues au vent ou si la mer elle-même frissonnait de peur. Quant à l'Autre, il était encore là ! Il épiait les ébats amoureux des 2 tourtereaux pareillement au plus pervers des maniaques sexuels. A bout de nerfs, il saisit ses clés de contact et s'éloigna, provisoirement, un sourire en coin.
Kit se préoccupa d'enfourner sa verge vers le vagin de sa maîtresse, dans la caverne au mille et un trésors.
Il la trouva étroite mais chaude et humide. Il se mit donc en devoir d'exercer quelques étirements physiques afin de translater en elle. Au bout de 5 minutes, il commença à ahaner et elle commença à jouir. Kat était parvenue à un orgasme de bon niveau : elle sentait son être se liquéfier et se dissoudre, elle planait littéralement et n'avait plus aucune notion du temps et de l'espace. Seul lui importait le plaisir que lui procurait Kit sur le point d'éjaculer. Pourtant, une odeur fétide vint leur chatouiller les narines. Entre 2 pompes, Kit songea :

- C'est quoi ça ?... on dirait que ça sent l'eau de Javel...

Alors, tel un cheveu sur la soupe et avec une furie inégalable qui lui était propre, l'Autre arriva, précédé du raffut assourdissant du véhicule qu'il conduisait et qui s'apparentait à un tank-pelleteuse.

- OUARRRRRRRRRRR !! Je vais tous vous buter ! hurla-t-il. Ca va saigner !

Kit eut le prompt réflexe de rouler sur le côté mais pas Kat. Avec une précision professionnelle, l'Autre abattit sa pelle mécanique sur la pauvre jeune fille. On entendit un son semblable à un fruit pourri jeté violemment contre une façade. Des lambeaux de tissus sanguinolents et des écharpes d'excréments encore boudinés dans leurs boyaux furent propulsés dans toutes les directions et décorèrent les branches des arbres comme des guirlandes décorent un sapin de Noël. Kat fut réduite à une crêpe à la confiture de mûres. Un filet de sang embourbé de sable apparut de sous la tonne d'acier trempé et zigzagua en direction de la mer...

- Mais vous êtes complètement cinglé ! s'exclama Kit. Qu'est-ce-q...

Il ne put en dire plus car la pelle, en produisant un bruit de ventouse mouillée, s'était déjà relevée. Elle pivota et une de ses dents tranchantes le décapita. Sa tête fut séparée de son corps et virevolta quelques secondes dans l'air avant de se crasher de guingois sur le sol. Kit ne réalisa pas dans l'immédiat ce qui venait de se passer. Il voulut encore protester contre ce dingue de tueur quand il aperçut son corps resté debout et qui était arrosé du sang s'expulsant comme un geyser de son cou mis à nu. Ses yeux prirent alors une expression d'horreur dubitative et il pria pour le salut de son âme. La dernière vision que daigna lui accorder généreusement la mort fut celle de l'Autre qui se déshabilla et se plaça sous cette averse de
sang en sifflotant gaiement et en utilisant le cuir chevelu de Kat comme gant de toilette.

La lune recouvrit sa clarté; la mer, finalement légèrement teintée de rouge, se retira à nouveau calmement ; les ténèbres et le brouillard se dispersèrent et les chants reprirent. Le danger était parti.

vendredi, avril 23, 2004

Chapître 23 : Alliance de circonstance

Horion resta quelque peu perplexe. Mais en tant qu'adepte invétéré du yang, il prit finalement le choix de tenter une offensive mesurée. Il saisit sa guitare et pinça les cordes de façon à créer des notes annihilant toutes volontés belliqueuses. Toutefois, le cerveau d'Artefact demeura insensible à cette attaque car au fond, lui même n'en voulait pas personnellement à Horion. C'était en fait un semblant de haine, une haine factice ayant pour origine ces larves dont le flux de psyché dominait totalement leur hôte. Un hôte désormais dépourvu de sentiments et par conséquent inattaquable d'un point de vue psychique.

Artefact, plus mort que vif, s'approcha encore d'Horion par des pas saccadés d'automate. Le Mélomane avait compris qu'il devait s'en prendre directement aux parasites, mais il aurait voulu disposer d'un peu de temps afin d'évaluer si une offensive à décoître ne blesserait pas Artefact trop grièvement. Et c'est justement le temps qui lui manquait ! Quant au corps à corps, il n'osait y songer : il craignait trop cette craie et la menace magique qu'elle représentait. Dans l'expectative, Horion adopta une attitude défensive. Il gratta sa guitare engendrant ainsi un tourbillon d'ondes éléctromagnétiques qui l'entoura. Il s'était donc créé un bouclier équivalent à un champ magnétique de plusieurs teslas que seule une puissance dantesque aurait pu franchir. Y avait pas à dire, c'était très
efficace. Le seul inconvénient était que cela pompait beaucoup d'énergie : Horion voyait avec une angoisse non dissimulée que l'aiguille de son réservoir énergétique baissait trop vite à son goût. Artefact sachant qu'il ne pouvait traverser ce bouclier magnétique, orienta ostensiblement sa craie vers sa propre gorge. Horion comprit l'affreux message : si les parasites ne l'éliminaient pas lui, alors elles élimineraient leur propre hôte qui les avait déjà suffisamment nourri de son vivant. Horion, les yeux dilatés par une frayeur incrédule était certain d'assister aux premières loges à la mort de son ami !...

Tout à coup cependant, le très diligent Colinéus, de retour de son expédition, déboula et décocha une décharge énergétique sur Artefact qui la reçut de plein fouet. Il chancela et dut poser un genou à terre. Le Mélomane profita de ce moment de faiblesse pour jouer une berceuse insidieuse de son deejee reedoo en plagiant un morceau de Serge Lama. Bien que cela ne fût en aucun cas une arme puissante, Artefact ne s'était pas encore remis du coup de Colinéus pour être en mesure de s'en défendre. Et sans que les larves puissent tenter quoi que ce soit, son cerveau allait s'endormir pendant environ un quart d'heure empêchant par la même occasion à ces dernières de l'utiliser et donc de commander ses membres. Il fallait également espérer que les larves ne fussent pas encore entièrement disposées à s'extirper de leur hôte en bousillant tout sur leur passage. Toujours est-il qu'il ne restait plus beaucoup de temps.

Horion s'apprêtait à demander à Colinéus s'il avait déniché un psycho lorsqu'il en aperçut un. Mais l'endroit où il était était tellement inattendu et cocasse que les mots ne lui vinrent pas. En effet, le psycho était perché sur les épaules de Colinéus. Jamais Horion n'avait pensé qu'un tel geste d'affection eût pu exister entre un humain et une telle vermine. Si bien qu'il sentit un fou rire le gagner.

- Surtout ne ris pas, lui conseilla Colinéus par télépathie. Ce psycho est hyper susceptible. Si on ne fait pas ce qu'il veut, si on se plie pas à toutes ses toquades, il refusera de nous aider.
- Tu n'avais qu'à en prendre un autre, lui fit remarquer Horion.

- Hé ! J'aurais bien voulu t'y voir, toi ! Car pour en voir de ces bestioles, j'en ai vu, mais le fait est que très peu d'entre elles ont ce phlegmon contrairement à ce qu'avait voulu insinuer Lovecraft, pour ne pas nous décourager certainement. J'ai d'ailleurs cru constater que ces rares spécimens étaient rejetés des autres membres et ce, bien que ce soit une race grégaire. Ainsi donc, j'ai aperçu celui-ci en train de musarder, seul, autour de son ancienne tribu vaquant à une occupation musclée : une reproduction sauvage et primitive. Il était tellement absorbé dans cette contemplation que je l'ai chopé sans problème. Ensuite, sur le chemin du retour, je lui ai expliqué ce qu'on lui voulait et depuis je dois supporter toutes ses inepties.

Le psycho en question, qui du haut de son perchoir assistait à cette scène muette en affichant un air ostentatoire, ordonna à Colinéus :

- Toi en à déposer moi par terre, incapable ! Et tout de suite ensuite !

- Oui, Monseigneur Boduku adoré, certainement, avec plaisir, répondit Colinéus sur son ton le plus affable.

- Arrête, tu te fiches de moi ! s'offusqua Horion par la pensée.

- Mais non ! C'est comme je viens de t'expliquer...

- Toi Horion y'en à faire baise-main à moi, dit la saleté.

- Non mais tu rêves ! Je vais plutôt t'en flanquer une !

- Si toi pas gentil avec Ta Majesté Boduku, moi pas aider son ami à toi, piailla la sale peste en prenant un air dédaigneux insupportable. Toi en à être esclave de moi ton roi à toi que je suis.


Bien malgré lui, Horion dut s'exécuter en priant pour ne pas attraper le typhus.

- Vous en à marcher à 4 pattes pour moi rire faire, reprit cet enfoiré de premier ordre. Beaucoup drôle de vous donc moi rire.

- Oui, Maître ! se soumirent les 2 prestigieux Metal Warriors.

Une fois à ras du sol donc, les 2 chevaliers se concertèrent télépathiquement. Se rappelant des propos de Lovecraft, ils devaient offrir quelque chose au psycho en échange de son service. Ils promirent alors tout et n'importe quoi, mais l'âne bâté refusa toutes leurs propositions tout en continuant de faire le faraud. Il était étonnant de la part d'un être d'une telle bassesse d'esprit de savoir aussi bien marchander. Quant aux Métal Warriors, pour être dans l'obligation de s'abaisser devant un simple psycho, ils étaient l'opprobre de leur rang, ni plus ni moins.

- Et si on vous apprenait à lire et à écrire, Votre Excellence Boduku, suggéra Horion.

- Non, ça en à être trop dur pour moi ! Moi pas bien fin.

- Moi... je peux t'apprendre en 2 secondes... et sans effort de ta part, dit Artefact qui, au milieu d'indicibles tourments, avait provisoirement récupéré son identité. Pour te le prouver... je vais t'apprendre à compter sur tes 6 doigts.

Grâce à son ordinateur et à sa craie, Artefact lui inscrivit la formule qu'il fallait. Aussitôt son
embryon cérébral doubla de volume et, Mesdames et
Messieurs, le psycho parvint à compter jusqu'à 6 !

- Incroyable ! se réjouit-il. Vont faire drôle tête copains ! Moi aider vous si vous donnez votre parole à vous à moi de vous.

- Parole de Métal Warriors ! clamèrent solennellement les chevaliers.
Boduku sortit alors de son sac en bandoulière des opuntias, de la mandragore, de la bave de crapaud et une écuelle qu'il remplit aux 3 quarts du liquide suintant de sa nuque tumescente. Puis, il tassa les herbes avec un caillou et les versa dans l'écuelle.

- Fini, fit-il impatient de devenir intelligent.

Sans arrière pensée puisque étant leur dernière chance, Horion et Colinéus firent boire ce breuvage d'aspect boueux à Artefact. Ce qui se passa tout de suite après fut prodigieux. A peine eut-il tout bu que ses lésions se résorbèrent immédiatement, ses fibres saccagées se refournirent et il dégobilla les 2 larves mortes. Artefact se releva aussitôt, frais comme un gardon.

- Et ta promesse, et ta promesse, un deux trois quatre cinq six, s'enthousiasma Boduku. Moi écrire à lire et à apprendre.

- N'aies crainte, les Métal Warriors n'ont qu'une parole, le rassura Artefact.

Sur ce, il agrippa cette parodie d'être vivant et, en récompense de sa guérison, il le projeta en l'air.
Avant que Boduku ne touchât le sol et en utilisant sa craie comme d'une batte de baseball, il l'envoya au loin vérifier s'il y était.

- Vous y en a pas avoir commpris ce que voulais moi..., gémit le naïf psycho.

- Excelleeeennnnnnnnnnnnt ! On te retrouve enfin, éclata de joie Colinéus.

- Entre nous, pratiques les psychos pour faire du sport, rajouta Horion le sourire jusqu'aux oreilles.

Tout ce joyeux monde finit par reprendre la route. Inutile de préciser qu'ils avaient de nouveau perdu la trace de Maëlle !...

jeudi, avril 22, 2004

Chapitre 22 : Compte à rebours

Les vibrations qu'avaient détectées Colinéus les avaient conduit d'une part à subir la même courbure d'espace temps que Maëlle et Menthalio précédemment, et d'autre part vers une petite flaque, source de ces vibrations et au dessus de laquelle se tenaient maintenant nos amis.
Après avoir analysé les composants chimiques du liquide, Colinéus en déduisit qu'il s'agissait d'urine, Maëlle ayant éprouvé le besoin de satisfaire ici un besoin bien naturel. Sous le regard éberlué de ses compagnons, Horion sniffa cette mare et y plongea la main comme si de rien n'était.

- Mmm..., réfléchit-il, considérant l'odeur et la température, j'estime que Maëlle était ici il y a un peu moins d'une heure.

- Bêêêrk ! Où-a-t-il bien pu apprendre ce truc ? se demanda Colinéus avec un air de dégoût.


Ainsi confortés d'être sur la bonne piste et désireux de revoir leur femme, les chevaliers se remirent prestement en route. Toutefois, Artefact, semi comateux ne leur emboîta le pas que très laborieusement. Les 2 autres, sous le coup de l'euphorie de leur découverte, avaient presque oublié que son état était parvenu à un stade critique et qu'il nécessitait des soins urgents. Depuis quelques temps en effet, le corps d'Artefact se délabrait de plus en plus rapidement, les larves gagnant en force.

A lui seul, son visage, devenu cireux, témoignait de terribles douleurs : il était émacié, ses traits étaient tirés et sous ses yeux chassieux étaient apparues des poches sombres comme s'il avait porté un masque de Zorro. Qui plus est, il régurgitait des flopées erratiques de glaires épais et jaunes-verts de la consistance du chewing-gum et qui faisaient penser au slime dans "Ghostbusters". Au bas mot, il ne lui restait donc plus que quelques heures à vivre. Et encore ! Malgré tout et fort courageusement, il résistait tant bien que mal, ou en tout cas bien mieux que tout humain ordinaire. Il tentait de ne pas faire transparaître la torture toujours plus grande que lui infligeait le moindre mouvement et de repousser toujours plus loin les frontières du renoncement.
Seulement, il n'est de frontières sans limites ! Ainsi donc, après avoir maintes fois trébuché sur ce sol rocailleux, Artefact perdit connaissance et s'effondra. Horion et Colinéus se précipitèrent vers leur ami et regrettèrent amèrement de ne pas avoir pris plus pleinement conscience de la gravité de son mal. Avec un truisme aussi légendaire que sa clairvoyance, Horion fit remarquer :

- Je crois bien qu'il est très malade...

Ils portèrent le malade, donc, à l'ombre d'un arbre puis réfléchirent sur la suite des opérations.

- Je crois que la meilleure chose que nous pouvons faire est de trouver un psycho comme l'a suggéré Lovecraft dans sa faconde, proposa Colinéus.

- Mais on le sait déjà ça ! s'exclama Horion. Hélas, tu l'as constaté avec moi, on n'en a pas croisé un seul. De plus, je ne pense pas qu'on puisse nous en livrer un sur commande...

- Oui mais ce que je voulais dire, c'est... Ah ! Ce pourrait être préjudiciable bien sûr pour les événements futurs cependant... Si ! C'est tout vu, je vais consacrer 50% de notre énergie restante pour porter au plus haut degré mon acuité psychique afin de détecter un psycho. Toi, de ton côté, reste avec Artefact et protège-le contre d'éventuels assaillants.


- OK ! De toute façon nous n'avons guère le choix, c'est un risque qu'il nous faut courir. Alors vas à la chasse au psycho et bonne chance !
Tandis que le Gardien de la Force s'en était allé, Horion soulagea son ami de ses cnémides et de son plastron poissés de sueur. Afin de mieux mesurer l'étendue des dégâts affectant le corps de l'Érudit, Horion lui enleva ensuite la combinaison moulante que tout Métal Warrior portait sous son armure. Mais il regretta aussitôt son geste, et il ne put supporter très longtemps la vision qui s'offrait à lui. La peau de la jambe gauche et d'une partie de l'abdomen d'Artefact était fripée, comme si elle avait été plongée plusieurs jours dans l'eau ou comme si on lui avait greffé du Jeanne Calment. Par endroit, la peau, pareillement à du vieux blanco découvert miraculeusement et déposé expressément sur une copie lors d'un examen, s'effilochait et s'écaillait, laissant entrevoir autant d'immondices. En d'autres endroits, la chair était si mince qu'elle en était transparente, si bien que l'on pouvait apercevoir du sang circulant péniblement dans les artères ainsi que des muscles en piteux état, des terminaisons nerveuses égarées et des os sur le bord de se disloquer. Tout compte fait, c'était pire que la gangrène et seuls des médecins blasés des urgences auraient pu trouver un intérêt béat à étudier ce corps pourri. Avant de recouvrir son ami de sa combinaison, Horion se rendit compte que les larves progressaient à vue d’œil, impavides et impatientes d'en finir.

- Colinéus, je t'en conjure, dépêche-toi ! supplia le Mélomane.

Un peu plus tard, alors qu'Horion commençait à rêvasser, Artefact sortit de sa somnolence. Sans faire de bruit, il s'empara de sa craie géante et fit le geste de l'abattre sur son camarade. Fort heureusement, celui-ci était resté suffisammant sur le qui-vive et parvint à esquiver ca coup de traître.

- Mais t'es malade ! Qu'est-ce-qui te prend ?

- Tun ÿ kelog blurp Icarios ! répondit l'Erudit.


- Bon sang !!... Il n'est plus lui-même ! constata Horion.

Horion avait vu juste. Effectivement, Artefact était sous l'emprise des larves qui étaient devenues assez puissantes pour le manoeuvrer et le manipuler. Il n'agissait plus de son propre chef, c'était un pantin sous l'autorité des petits d'Icarios. Du reste, il tenta une seconde fois de pourfendre Horion qui eut la bonne idée de se réfugier derrière le tronc d'arbre.

- Que puis-je faire ? soupira le Mélomane. Je ne puis pourtant pas répliquer.

Artefact lui jeta son bouclier à la figure mais Horion le repoussa par une parade impeccable de ses tuyaux. Il n'eut toutefois pas le loisir de souffler car entre-temps l'Erudit avait pianoté sur son ordinateur et avait souri. Des gouttes de sueur perlèrent sur le front du Mélomane quand il lut sur l'écran d'Artefact la formule que ce dernier avait l'intention de lui inscrire : c'était tout simplement le nombre 108. Rien qu'à le lire, ce nombre suffit à étourdir Horion et à encombrer son esprit de souvenirs douloureux. Car il faut savoir que 108 désignait le numéro de la salle où les étudiants de licence de physique devaient supporter hebdomadairement le calvaire dément de la séance des travaux pratiques d'électronique. Cette séance durait 3h30 mais il aurait fallu bien souvent 3 heures de plus tellement il fallait jongler avec des centaines et des centaines de fils, de générateurs, de condensateurs, d'oscillateurs, de résistances et de multimètres à assembler en montages impossibles régis par des théorèmes mathématiques hors de portée du commun humain. De surcroît, il fallait compter sur la surveillance sadique d'un professeur qui mettait sans cesse la pression sur les étudiants en les invectivant, et qui les épiait en quête de la plus anodine des bourdes dans le but de les descendre puis de noter l'anecdote en lettres majuscules sur son Livre d'Or. C'était donc une formule fatale pour Horion car de loin le plus allergique à ces travaux pratiques. Elle ne pouvait marcher que sur lui.
Sa craie brandie en avant, Artefact s'avança vers Horion. Même si ce dernier savait que cette craie ne devait absolument pas le toucher, il ne se résolvait pas à fuir, l'Erudit pouvant se faire du mal à lui-même. Horion était en péril.

mercredi, avril 21, 2004

Chapitre 21 : Maëlle fait son intéressante.

Habituellement, ces créatures ne rôdaient que dans les nécropoles où elles furetaient des tombes dissimulant un bout de gras fraîchement enseveli à déguster. Dans ce cas précis, elles venaient du sanctuaire de Pénétrator, mais consécutivement à ce qui était survenu à ce dernier conjugué à l'intrusion des Métal Warriors, il y régnait une certaine anarchie et c'est pourquoi, bien que cela leur fût défendu, elles s'en étaient échappées. Toutefois, malgré cette évasion, elles n'allaient pas devenir végétariennes pour autant. Loin s'en faut. Car leur condition en tant que
Goules était ainsi établie qu'elles ne rêvaient que de fosses à profaner et de macchabées à se mettre sous la
dent. Elles ne crachaient pas non plus sur la chair vivante. Maëlle était donc en danger.

Le physique de ces nécrophages était d'une telle hideur qu'à lui seul il serait presque parvenu à ressusciter ce qui leur faisait office de repas. Leur corps n'était qu'une grosse masse de poils hirsutes d'où émergeait en son centre un visage dont la blancheur d'ossements contrastait indécemment avec ces poils de la couleur même de l'ombre lors d'une nuit sans lune. Ce visage était pourvu d'un groin charnu et flasque percé de trois narines enduites de substances gélatineuses qui ruisselaient jusqu'à une bouche semblable à une entaille creusée à la hache dans l'incapacité de se fermer en raison de dents démesurées et tordues. Des dents qui de plus étaient maculées d'humus et d'écume effervescente violacée.
Mais cette face de la mort, sortie directement des plus profonds abymes de l'essence même de la Terreur, était également recouverte de monticules de pustules tels des échafaudages à l'équilibre précaire le long de la Tour de Pise. Quant à leurs membres, ils étaient au nombre de quatre, comme chez n'importe quel humain normalement constitué. Mais la ressemblance s'arrêtait là car ces membres arachnéens, qui étaient nés un jour où la pitié avait oublié de se réveiller, n'avaient pour seule mission que de disséquer. Effectivement, à chacune des extrémités était fixé un outil distinct, un outil de boucherie : l'une de ces extrémités était dotée d'une lame si tranchante qu'elle pouvait couper en deux les molécules de l'air, une autre d'un scalpel pour inciser, une troisième d'une pince à encastrer dans les parties du corps les plus intimes et une dernière d'un crochet pour vriller et labourer. Enfin, du corps des Goules jaillissaient un peu partout et par intermittences d'immenses jets gazeux qui
propageaient une odeur de fosse septique.

- Sans doute ne craint-on pas l'effet de serre ici, pensa Maëlle.

De par ces descriptions anatomiques fort peu réjouissantes, Maëlle n'était franchement pas décidée à rester plus longtemps en compagnie de ces monstres.
Aussi voulut-elle imiter Menthalio et s'enfuir au plus vite. Hélas, elle ne put faire un pas car elle était paralysée par la simple volonté hypnotique des yeux des Goules. Des yeux qui, aussi étrange que cela puisse paraître, leur donnaient un aspect bien plus repoussant encore que tout le reste car c'étaient des yeux de malades mentaux et qui, à eux seuls, suffisaient à vous donner la chair de poule. La démence était palpable à travers ces yeux, une démence qui allait bien au-delà de la compréhension humaine mais pas au-delà de l'appréhension humaine. On y lisait que la plus folle des haines, comme si tous les
maux de l'univers étaient rassemblés en ces points globuleux d'une intensité extraordinaire et qui n'avaient pour but que de répandre une horreur et une douleur indicibles sur tout ce qu'ils fixaient. Ce n'est que maintenant que Maëlle saisissait les paroles du psycho mais il était trop tard !
Les Goules émirent un bruit distordu, probablement un ricanement. L'une d'elles adressa la parole à la prisonnière par le biais de sa bouche dont la tonalité stridulante évoquait d'une part la plainte d'un courant d'air s'engouffrant sous une porte, et d'autre part le raclement des dents d'une fourchette sur une casserole en aluminium tandis qu'on s'évertue frénétiquement à faire décoller des pâtes trop cuites.

- Tu nous feras un dessert exquis, dès que nous en aurons terminé avec ça.

Alors la Goule et ses 4 congénères s'abaissèrent de nouveau vers le tuyau qui n'en était pas un. A cet instant, Maëlle comprit que c'était ou avait été une chenille géante. Ou du moins, quelque chose dans ce genre là. Sa teinte écarlate était dû à son sang qui avait giclé de ses artères au moment où celles-ci avaient été sectionnées par les Goules. La chenille offrait maintenant une vue pitoyable tant elle était démembrée et dépiautée de la façon la plus abjecte qui soit. Et dire que c'était le sort qui attendait Maëlle !

Le temps s'écoula. Afin de montrer leur supériorité, les Goules, toujours très occupées, avaient contraint Maëlle à prendre une attitude de soumission : les bras le long du corps, les jambes légèrement écartées et la tête posée sur le sternum avec les cheveux tombant sur le visage. Après avoir vainement tenté de se libérer de cette puissance hypnotique et espéré une aide courageuse de Menthalio, Maëlle s'abandonna au désespoir. Les Goules, qui ponctuaient leur ripaille de rots interminables à soulever le cœur, tournaient de plus en plus fréquemment la tête vers Maëlle, son heure approchant.

Le temps s'écoula encore. Maëlle était toujours inerte. Une brise se leva. Une douce brise drainant des souvenirs encore plus âgés que ceux des livres d'histoire, une brise d'un passé immémorial. Une douce brise cependant car elle était accompagnée d'un désir avide de tueries. Les Goules, alertées, stoppèrent leurs gestes macabres puis regardèrent autour d'elles, une fugace mais pénétrante inquiétude figea leur face cauchemardesque. Sous ses cheveux ondulés, lavés au shampooing Loréal parce qu'elle le valait bien, et divisés par le vent en de fins filaments duveteux, les yeux de Maëlle se révulsèrent. Elle commença ensuite à psalmodier une étrange incantation d'une voix mélodieuse. Et elle bougea ! Malgré les protestations des Goules, elle bougea ! Elle replia ses doigts de la main droite sur la paume à l'exception de l'index, puis elle leva ce bras de manière irréelle car ce mouvement semblait découpé, comme éclairé par une lumière stroboscopique. Une fois son bras perpendiculaire à son corps, un rayon lumineux et irisé jaillit de son index et atteignit les Goules, interdites, les paralysant à leur tour ! Dans un silence de salle d'attente chez le dentiste, le rayon se répandit entièrement en elles, les contaminant en quelque sorte et leur donnant les couleurs gracieuses
de l'arc-en-ciel. Le flux du rayon s'arrêta. Maëlle leva alors son bras gauche et le juxtaposa au droit, les 2 paumes se tournant le dos. Après, en repliant tous ses doigts cette fois, elle écarta lentement les bras. Dans le même temps, les Goules sentaient leur corps se diviser en 2, séparant d'abord leur chair mettant à vif leurs muscles et leurs viscères et soumettant à rude pression leur charpente osseuse.
Soudainement, Maëlle redressa la tête et les événements se précipitèrent : ses yeux papillotèrent, ses pupilles réapparurent, les nuages plus ténébreux adoptèrent une course effrénée, la brise se mua en tempête faisant soulever et claquer les pans de la pèlerine de notre héroïne...

- Pouvoir de la Matrice, guide-moi, tonna-t-elle. An sin tût pulvérak !

Et elle écarta brusquement les bras. Il rettentit alors un bruit liquide et sec quend de concert les organes et les os des Goules se disloquaient et s'éparpillaient alentour comme si on leur avait fait ingurgiter des charges explosives. Tout fut éclaboussé de sang dans un espace de 1000 métres carré.

Maëlle s'écroula, à bout de force.

mardi, avril 20, 2004

Chapître 20 : Ennuis à gogo

Après la mésaventure du polonouze, Maëlle et Menthalio
se remirent en route et s'employèrent à découvrir un exit à ce labyrinthe qui se prolongeait à n'en plus finir. D'un certain côté, Maëlle semblait plus sereine ou en tout cas beaucoup moins désemparée qu'au cours des derniers événements. Finalement, peut-être s'était-elle faite à l'idée de subir ce cauchemar imposé par une force qu'elle ne pouvait entraver ?
Punisher n'avait-il pas sous-entendu que tel était son destin ? Et dans ce cas, que faire sinon l'accepter, surtout s'il était expiatoire ? Ou alors ce regain de vitalité n'était-il pas dû tout simplement à l'absence d'un monstre à sept têtes, voir à l'absence d'un phallus surdimensionné qu'elle aurait réprouvé même dans ses fantasmes les plus endiablés ? Puis d'un autre côté, Maëlle affichait également une mine farouche comme à l'issue d'un examen raté sur les
propriétes de la matière au contenu certes plus que douteux mais sans toutefois outrepasser le domaine de connaissances essentielles que se doit de posséder tout prétendant à un statut de physicien hors pair. A la vérité cependant, sa physionomie peu engageante résultait de deux choses qui la préoccupaient présentement.

D'une part, elle était tiraillée par la faim. Elle était tellement affamée qu'elle était l'objet de symptômes caractéristiques : teint terreux, tremblements, étourdissements et hourvari en fa majeur de son estomac. Elle aurait ingurgité tout ce qui aurait ressemblé de près ou de loin à de la nourriture, quitte à ce que cela eût une quelconque appartenance physique au restant de la pâtée de son semblant de chien. Même le contenu d'une poubelle l'aurait en cet instant pleinement satisfaite.

Cette nouvelle contrariété elle aussi résolue, Maëlle en trouva une autre ! Décidément, elle était devenue, semble-t-il, très susceptible et très éxigeante. Mais dans le cas présent, c'était on ne peut plus légitime, le problème étant Menthalio. Elle avait de plus en plus de mal à le supporter mais n'osait le chasser car sa présence avait quelquechose de rassurant. De toute façon, il se serait sans doute obstiné à la suivre.

Ne sachant quoi faire, les deux compagnons d'infortune se mirent à errer dans l'unique but de découvrir de quoi manger. Et tandis qu'ils marchaient, le psycho, dont la blessure à l'oreille n'était déjà plus qu'un mauvais souvenir, ne cessait de tourner autour de Maëlle, lui aspergeant ses paroles saoûlantes et injurieuses. De surcroît, tel un masochiste, il se flegellait les cuisses jusqu'au sang à l'aide de ses bras squelettiques. Bref, à lui seul, c'était un véritable cirque ambulant. Dans un premier temps, Maëlle le laissa jouer, persuadée qu'il finirait bien par s'épuiser. Mais au contraire, il semblait si rompu à ce mode de vie qu'il accélèra la cadence, criant,
Courant et se frappant toujours et encore jusqu'à en avoir le souffle court. Maintenant toutefois, Maëlle était au bord de la crise de nerfs, surtout qu'elle avait l'estomac, non pas dans les talons, mais carrément dans le bout de ses orteils. Si bien que ça risquait de barder très prochainement.

- Yep, yep, yep, yep, nop, nop, yep, yep, croassa Menthalio.

Et ensuite :

- Yep, yep, tes pieds qui puent le maïs.

- Il m'énerve et il m'énerve, grommela Maëlle.

- Ton père qui (CENSURE ! ) et qui (CENSURE ! ), ajouta le psycho comme possédé.


A cela, Maëlle lui répondit la plus brillante répartie de sa vie :

- Tu vas bientôt arrêter de me squatter l'encéphale ?!

- Nop, nop, poursuivit quand même l'insupportable créature en plein état de transe. Ton sale clebs, yep, qui suce des bites en Enfer !

Il n'y eut alors plus d'avertissements. En lieu et place, Maëlle lui administra une baffe magistrale qui l'envoya valdinguer dix mètres plus loin.

- Yep ?

A son retour aux côtés de sa maîtresse, Menthalio semblait calmé. Enfin ! Du reste, en le fixant plus attentivement et au vu de sa lèvre inférieure retroussée, Maëlle était sûre qu'il boudait.

- Quel étrange petit être, pensa-t-elle sans éprouver le moindre remord. Mais il n'a eu que ce qu'il méritait !

Le silence, suite à cet accès de violence, fut donc de mise. Cela faisait du bien... mais cela ne dura qu'un court moment car le psycho reprit :

- Nop, nop...

- Fais attention..., le prévint Maëlle la main droite levée.

- Nop, nop, il y a danger par ici...

Soudainement, au détour d'un rocher, ils aperçurent cinq créatures courbées et affairées sur une espèce de tuyau écarlate.

- Danger, nop, vite partir... nous surtout pas les regarder... nop pas leurs yeux...

- Quoi ? Que veux-tu dire ?...

Mais Menthalio ne prit pas la peine d'en dire davantage et préféra s'enfuir à toutes jambes. Il disparut aussitôt laissant la pauvre jeune fille toute seule. Avant qu'elle ne comprît les avertissements du psycho, les cinq créatures firent volte-face. Et pour le plus grand malheur de Maëlle, ces créatures étaient des Goules. Autrement dit, des Friskies !

vendredi, avril 16, 2004

Chapitre 16 : La trilogie révélations – 1ère partie

- Bon sang, mais ou est elle donc passee ? maugréa Horion

- Pff … des heures et des heures qu’on cherche dans cet embrouillamini de couloirs sans fin, se désespéra Colineus. Autant chercher un asticot dans un plat de spaghettis. Et puis j’ai faim, on n’a rien mange depuis notre arrivée ici. Je donnerai n’importe quoi pour la moitie d’une cacahuète afin de rassasier et apaiser mon estomac !

- Hé Artefact ! cria Horion en se retournant vers son compagnon 200 mètres derrière eux. Tu veux bien faire un effort et te presser un tant soit peu ? C’est quoi cette allure de Club-Med ?

- Bordel, calme toi ! intervint Colineus. Tu ne vois donc pas qu’il souffre de plus en plus et qu’il marche tout en claudiquant a la manière de Robert Hossein dans Angélique. M’est avis qu’on aurait plutôt intérêt a trouver un remède au plus vite si on veut ne pas l’enterrer en chemin et ainsi perdre un ami précieux.

- Peuh ! … moi je dis que c’est rien qu’une tapette d’abord.

Conséquemment au mauvais tour que leur avait joue les psychos dans l’amphi des tortures, les Métal Warriors avaient de nouveau perdu la trace de Maëlle. Depuis cet acte tragique survenu il y avait déjà plusieurs heures, ils ne cessaient de déambuler ici et la dans l’espoir de dénicher ne serait-ce qu’une bribe d’informations. Mais ils n’avaient abouti a aucun résultat et Artefact était épuise. Pourtant, ceux pour qui le mot échec n’avait aucune consistance, ne se ménageaient pas. Le gardien de la Force dont l’acuité sensorielle était la plus developpee et donc la plus a même de capter une vibration psychique de Maëlle aussi tenue qu’elle fut, n’avait de fait encore rien capte. Ce qui avait valu a l’impulsif Horion la remarque suivante :

- Si ça se trouve, Maëlle est trop bête pour émettre une quelconque vague sensorielle !

Ce a quoi ses deux camarades n’avaient rien répondu. Le zéro pointe des fruits de leurs recherches avaient commence a les décourager, si bien qu’a la fois la mauvaise humeur générale, le doute, le désespoir et les coups bas étaient au rendez-vous.
Il en était ainsi de leur état d’esprit quand tout a coup, un peu devant eux et dans la pénombre ambiante caractéristique du territoire d’Icarios, ils entendirent un bruit de pas qui venait dans leur direction.
- Halte ! Qui va la ? beugla Horion. Veuillez décliner votre identité et nous montrer vos papiers je vous prie
- Pour la deuxieme fois, du calme ! le disputa Colineus. Et arrête de dire n’importe quoi. Prépare plutôt a combattre !

Mais de l’obscurité surgit un être qui n’avait pas sa place a Darkcampus puisque cet être était humain a l’aspect non belliqueux.

- Paix leur dit-il simplement.

Cependant, ni Horion ni Colineus n’étaient disposes a baisser leur garde. Ils étaient en effet suffisamment au fait des fourberies de ce lieu pour éviter tous désagréments supplémentaires suite a une négligence de concentration.

La tension etait toujours a son maximum quand derriere eux leur parvint une voix. C'etait Artefact qui les avait enfin rejoint et qui, a la vue du nouvel arrivant, s'exprima ainsi :

- Oh Ciel ! Mais que me semble-t-il donc discerner
De par dela toutes les brumes du non vrai ?
Cela ne saurait etre autre chose qu'un reve,
Ce monde maudit n'octroie-t-il donc point de treve ?

- T'as pas bientot fini de nous reciter des strophes continuellement gronda le Melomane sans toutefois relacher son attention a l'encontre de l'inconnu. Je te rappelle que tu es malade et que par consequent tu es cense souffrir...

- Horion a raison, enchaina Colineus. Comment veux-tu que notre histoire ait le moindre soupcon de credibilite en agissant de la sorte ?

- Oups, pardon les gars, s'excusa Artefact. Je vais faire un effort : oh la la la la... j'ai mal... je souffre le martyre... diantre c'est insupportable... beuheuheu...

Il finit par se rouler par terre, etreignant sa jambe malade de ses deux mains tout en singeant des grimaces de douleur.

- Oh oui, excelleeennnt ! se rejouit Colineus. Voila qui est beaucoup mieux.

Apres quelques autres galipettes au sol, l'Erudit se releva gauchement puis dit a l'adresse de l'etranger :

- Ca alors ! Je ne delire pas, vous etes bien Lovecraft ?!

- Hein ? s'etonna le Gardien de la Force. Tu veux parler du celebre ecrivain americain d'Heroic Fantasy ?

- Exactement ! Mais.. ce que je ne comprends pas, c'est ce que vous faites la. Vous etes decede en 1937, alors... comment se peut-il que...

- Hum !... je suis extremement flatte que vous me reconnaissiez, fit Lovecraft. Et rassures-vous, je vais tout vous expliquer... Metal Warriors ! Car telle est bien votre condition n'est ce pas ? Sachez que j'ai beaucoup entendu et appris de vous sans parvenir neanmoins a me procurer des preuves irrefutables de votre existence et de vos actions heroiques. J'en etais donc reduit a me fier a certaines legendes et ce avec la plus grande frustation car vous seuls pouvez delivrer le monde de sa colonisation par Homineral. Aussi, avant toute chose, permettez-moi de vous saluer, augustes chevaliers !

L'ecrivain accompagna ces paroles d'une reverence si respectueuse que ses cheveux effleurerent le sol comme pour le balayer. Les chevaliers etaient flattes a leur tour. Bien sur, au cours de leurs aventures, on n'avait eu de cesse de les admirer, de les complimenter, de les idolatrer et de les glorifier. Toutefois, ils etaient loin d'etre blases. Ils bomberent alors le torse, leur armure scintillant et leurs yeux petillant et debordant d'allegresse.

Howard Phillips Lobvecraft reprit la parole :

- Je vois a votre air ingenu que vous n'etes pas completement impregnes des regles qui regissent cette dimension. Je vais donc vous faire part de mon savoir et de mon experience concernant ces arcanes.

- Nous sommes tout ouie, lanca Horion circonspect.

- Tout d'abord, certains d'entre vous ne sont pa ssans connaitre mon oeuvre litteraire au sujet de la mythologie des Anciens Dieux venus des Etoiles dans un lointain passe et qui avaient asservi et manipule les hommes dans une Histoire au dela de Notre Histoire.

- Oui, etaya Artefact, vous faites allusion a Cthulhu et ses seides que sont Azathoth, Yog-Sothoth, Shub-Niggurath, Nyarlathotep le Messager Qui Rampe Dans Le Chaos...

- STOP ! implora le Melomane depasse par toutes ces connaissances. Veuillez cesser ces discussions esoteriques et en venir au but. Maelle est peut-etre en danger.

- Eh bien, poursuivit l'ecrivain, ces dieux cruels au dela de ce que n'importe quelle imagination peut concevoir et bien au-dela de ce que les mots du dictionnaire peuvent decrire n'etaient pas entierement issus de mon esprit fertil. En fait, mieux vaudrait prendre la situation a l'envers : ce ne sont pas mes recits qui ont donne naissance a ces entites mais.. ces entites qui ont donne naissance a mes recits !

- Quoi !! s'interloqua Colineus, qu'insinuez-vous ?...

- ...oh certes, j'ai change les noms et altere la verite. J'ai souhaite et espere avertir l'inconscient des hommes au meme titre que des messages subliminaux qui auraient peut-etre ressurgi le jour de l'invasion et prepare une resistance plus efficace. Seulement, je ne pouvais faire plus. Comment, au risque de passer pour un fou, aurais-je pu dire ouvertement que de l'autre cote du voile se cachait un monde parseme de creatures denuees de sentiments, de pitie et de compassion dont l'unique objectif etait et est de venir ou plutot revenir parmi nous comme autrefois, dans des temps antediluviens ?

Lovecraft marqua une pause pour verifier les effets de ses propos sur les Metal Warriors.

jeudi, avril 15, 2004

Chapitre 15 : Dégénérescence événementielle

Tandis que Maëlle, qui ne portait toujours que ses sous-vêtements sexy mettant en exergue ses appas alléchants (précisons le pour l'intérêt et surtout pour le suspens de l'histoire), faisait la connaissance de Menthalio, Pestilence, Punisher et Pénétrator étaient parvenus à atteindre, cahin-caha, un autel établi en l'honneur de Hominéral. Cet autel, qui était situé à l'intérieur même du sanctuaire du démon dernier cité, se dressait là, dans une attitude altière et imposante, tel un étron déposé pernicieusement au beau milieu d'un trottoir.
Les trois démons déchus et décatis se prosternèrent cérémonieusement puis invoquèrent leur maître par une obscure et inintelligible litanie. Peu de temps s'écoula avant que Hominéral ne se manifestât.
Ce démon suprême n'avait pas d'enveloppe charnelle, c'était juste une ombre, une entité, la substance-source de tout mal. Cette non matérialité l'empêchait de se rendre lui même sur Terre afin d'y faire exécuter en personne ses noirs desseins. Par conséquent, pour répandre le mal, il devait se fier à ses plus fidèles serviteurs qui d'une certaine manière étaient ses représentants au delà de Darkcampus. Ils avaient pour mission de propager le mal dont Hominéral se repaissait. Il en allait de même pour Gnôle qui ne pouvait aller à Darkcampus. Il s'était donc vu dans l'obligation de faire appel aux Métal Warriors pour infiltrer cette dimension mal famée.
On assistait ainsi à une espèce d'équilibre des forces : aussi bien le Mal que le Bien disposait de son propre univers qu'il gérait comme bon lui semblait, chacun ayant la possibilité d'influencer l'autre par l'intermédiaire de démons ou de chevaliers.
Toutefois, suite à la cuisante défaite de Hominéral contre ces Métal Warriors lors de la dernière confrontation, celui-ci avait été victime d’un certain discrédit aux yeux de quelques démons à l'image d'Icarios. Ces traîtres, comme il les surnommait, préféraient faire cavalier seul sans se préoccuper de leur créateur. Ce manque de supporters l'avait affaibli, de telle sorte qu'il ne pouvait plus apparaître qu'à ses autels et bien sûr dans sa Crypte. Heureusement pour lui, ses trois derniers puissants fidèles étaient les seuls à être capables de supporter sans contrainte et suffisamment longuement la dimension de Gnôle. Ils étaient donc les plus importants pour cet esprit colonialiste. En particulier Pestilence qui avait pris une part non négligeable à faire de Darkcampus un monde de chaos perpétuel.

- Alors ? Vous revenez en bien piètre état, constata Hominéral sur un ton acerbe en dévisageant ses sujets.

Il ne put cependant réfréner un ricanement sardonique alors que son regard se posait sur le propriétaire de ce sanctuaire.

- Bobo quéquette, gémit le redoutable Pénétrator.
- Nous n'avons pu tuer l'Elue à cause de... , commença Pestilence.
- Oubliez cela ! vociféra le démon suprême. J'ai bien peur de m'être fourvoyé par précipitation en vous imposant de l'éliminer. Il n'en est plus question. Je perçois en effet chez elle des vibrations étranges qui m'incitent à penser qu'elle n'est pas aussi fragile et innocente que le laisse supposer de prime abord sa personne. J'ai dans l'idée qu'elle est l'Humaine que j'attends depuis des siècles et des siècles, celle en qui le Pouvoir Originel de la Vie est présent et donc celle en qui je pourrais m'incarner physiquement et
ainsi pénétrer la dimension de Gnôle afin d'y régner en maître absolu !
- Ouâw ! Ah ben ça alors, s'exclama Punisher, admiratif.
- Hé ! Hé ! Hé ! reprit Hominéral. Je sais néanmoins que cela comporte quelques risques. Son pouvoir est peut-être si grand qu'elle peut me détruire si elle désire... à condition bien sûr qu'elle soit consciente de ce pouvoir et le maîtrise... ou alors Gnôle m'a devancé et est déjà en elle dans le but de me liquider... mais peut-être que si c'est le cas, il n'a pas maîtrisé cette force et sommeille en elle... Mystères ! Toujours est-il qu'il me la faut au plus vite !
- Mais..., et les Métal Warriors ? risqua Pestilence.
- N'avez vous pas lu mon opuscule ? morigéna Hominéral. La technique de combat pour les exterminer y est clairement décrite.
- Mais j'trouve pas la page, confessa Pestilence d'un
air contrit.
- Et le sommaire, c'est fait pour quoi pauv'tachon ! Il a été rajouté à la dernière édition.
- Gloups... (sanglots)
- Bon, ouste maintenant, au boulot ! Moi, j'ai un tournoi de belote sanguine qui m'attend.

Au même moment sur Terre, les forces de l'ordre étaient en alerte depuis la disparition inexpliquée trois jours plus tôt de quatre étudiants de licence physique : Maëlle, Frank, Manu et Jacky. La police ne disposait d'aucun indice ni d'aucune piste, et ce en dépit d'une fouille minutieuse chez ces quatre jeunes gens.
Effectivement on ne trouva rien de suspect ou de prohibé dans le taudis insalubre de Jacky parmi ses grenades, ses fusils-mitrailleurs, ses ogives nucléaires, ses fulguro-points et ses sabres-lasers. Rien non plus chez Frank mis à part une combinaison du personnage "La Denrée" de "La Soupe Aux Choux" avec des enregistrements des célèbres onomatopées "Bouloublouloulou" dont Frank avait tenté d'extraire des mots de vocabulaire et des règles de grammaire ; en vain visiblement. Rien non plus chez Manu si ce n'est, cachées tout à fait précautionneusement sous le matelas de son lit, une culotte et une cape rouges ainsi que l'intégrale en cassettes vidéo de "Loïs et Clark, les nouvelles aventures de Superman" alors qu'il avait toujours prétendu détester cette série.
Enfin rien non plus chez Maëlle excepté la disparition d'un récent nounours et, sur sa table de chevet, la présence insolite du portrait de l'un de ses profs au sourire simiesque, Monsieur PAUMIER, avec à ses côtés un livre intitulé : "Comment bien vivre sa grossesse".
Rien de concluant donc, d'autant que le prochain repas de famille pour chacun n'était pas prévu pour avant plusieurs mois, et par conséquent il était parfaitement inutile de déjà songer à fuir.
Du fait de l'incompétence de la police, les familles des disparus décidèrent de s'unir afin de mener leur propre enquête officieuse. Comme dans tout groupement tribal, ils élirent un chef pour les représenter. Ils optèrent pour Dorothée, la sœur de Manu, car son air pincé et renfrogné ne manquait de persuasion et de détermination. Elle n'était pas s'en rappeler son frère de par son allure veule alliée à sa démarche affaissée et traîne-savates. Certes, les autres membres évoquèrent entre eux le souhait de lui voir
changer de prénom car il est vrai que "Dorothée" ne faisait pas très sérieux, mais au moment de le lui dire, tout le monde se contenta de fixer ses chaussures et de se taire par crainte de se ramasser une réplique cassante.
Sous la tyrannie de Dorothée donc, ils firent appel à deux organisations férues des phénomènes paranormaux : le Centre du Rayonnement Occulte de l'Université des Sciences (le CROUS) et l'Union Nationale des Evénements Farfelus et des Idées Délirantes (l'UNEFID). Hélas, elles étaient aussi perplexes que la police !
Seuls l'énigmatique professeur Groquik d'origine austro-hongro-moldavo-ukraino-atlantido-sadomaso-saturno française et son associée la physicienne polonaise Olga Lavachmilka leur proposèrent une aide sérieuse.
Tous les deux étaient spécialistes dans la recherche sur les voyages interdimensionnels...