mardi, avril 27, 2004

Chapître 27 : Temps mort

Durant la brève traversée de la barrière d'énergie, Maëlle ne ressentit rien, juste de légers crépitements capillaires dûs à l'électricité statique. Malgré tout, une fois de l'autre côté, elle n'osa plus avancer, tant elle était fascinée par tout ce qui l'entourait désormais. Il lui fallait en effet un peu de temps pour se remettre du contraste saisissant entre les atmosphères morbides qu'elle venait de quitter et celle dans laquelle elle baignait maintenant qui n'était plus sujet à la faire endêver et à la débiliter.

Maëlle se dit que si le paradis existait, alors elle l'avait trouvé, en plein coeur de Darkcampus ! Même sur Terre, elle n'avait jamais connu un endroit dégageant une telle quiétude. Ainsi, elle se trouvait aux abords d'une accueillante clairière en forme de rhomboïde. Les branchages des arbres la jalonnant faisaient office de voûte céleste dont la qualité première était de maintenir une température douce et agréable. Ici ou là était accordé
le filtrage de certains rais, lesquels, de par leur apparition aléatoire, tendaient à penser que le soleil jouait à cache-cache avec la faune et la flore. Les seuls bruits perceptibles étaient le bruissement des feuilles, aussi doux que le chant d'une berceuse d'une mère à son enfant, accompagné des battements d'oiseaux qui jabotaient gaiement.

Le sol en lui même était tellement recouvert de fleurs généreuses et diverses qu'il donnait l'impression d'être un tapis orné de motifs floraux en 3 dimensions. Avec ravissement, Maëlle observait que parmi ces fleurs des papillons aux ailes majestueuses voyageaient en toute complicité avec des insectes bourdonnants, chacun semblant arborer un air de contentement car chacun trouvant son bonheur dans ce qu'avait de plus beau à leur offrir tous ces cœurs jaunes auréolés de pétales finement dessinées et aux couleurs resplendissantes se mariant divinement entre elles. Et c'était sans compter sur les parfums suaves et capiteux que ces fleurs exhalaient dans l'air ambiant sans d'autre but que de se faire désirer et de faire partager à tous ce que la nature leur avait
Gracieusement octroyé.

Dans un coin de verdure au milieu de la clairière, une demi-douzaine d'attendrissants petits lapins jouaient et gambadaient dans une insouciance et une innocence infantiles qui faisaient plaisir à voir. Cette simple contemplation aurait ou aurait du suffire à amadouer le plus acharné des chasseurs ainsi qu'à arracher un début de sourire à un cœur brisé. Maëlle s'avança doucement, en prenant bien garde de ne pas perturber cet équilibre paisible ; elle faisait encore plus attention que dans ses années d'adolescente, à une époque où elle rentrait chez elle à une heure indue sans vouloir réveiller des parents non informés de ses escapades nocturnes. Elle désirait seulement communier et se fondre dans cette symbiose. En faire partie intégrante.
C'est alors qu'elle entendit un léger clapotis, puis elle aperçut un petit ruisseau, bordé de galets, se frayant avec harmonie un mince passage au sein des fleurs. Un peu plus en amont, des oiseaux plongeaient leur bec dans l'eau tandis que d'autres pataugeaient et s'éclaboussaient mutuellement dans des gestes similaires de cours de récréations. Si ce n'est que Maëlle ne distinguait aucun cri de bambins. Aucun rire. Aucun pleur. En ce moment précis, Maëlle se rendit compte ô combien elle était affreusement seule et ô combien elle était loin de chez elle. Elle sentit une pointe de tristesse transpercer son cœur déjà bien éprouvé et ses yeux s'embuèrent de larmes, leur procurant un éclat cristallin d'une infinie affliction.
Mais pourquoi avait-elle était assez stupide pour ne pas avoir pensé à demander à Menthalio s'il savait comment sortir de Darkcampus ? Car bien sûr c'était possible, Punisher l'avait bien conduite ici ! Devait-elle se débrouiller toute seule comme une grande fille ? Ou bien lui fallait-il compter sur les Métal Warriors ? Ou bien... ou bien était elle ici pour faire quelque chose ? Que tel était son destin depuis toujours ? Il est exact que bizarrement, elle ne s’était jamais cru capable de supporter ce qu'elle avait déjà supporté. D'où lui venait cette volonté de ne pas tomber dans la folie, de ne pas se rendre, de ne pas se suicider afin d'échapper à des tortures inconcevables, voir même de posséder des ressources physiques insoupçonnées ? Et puis d'abord, qu'est ce qui l'avait sauvée des Goules ?...

Maëlle secoua la tête de façon à évacuer ces obscures questions sans réponses. Elle se mit à genoux au bord du ruisseau et observa son visage reflété dans l'eau : elle constata que ses traits étaient d'une part moins acrimonieux qu'il y avait quelques instants, et d'autre part assouplis par son récent repas. Mais surtout, elle se trouva encore désirable. Depuis toujours, elle se savait mignonne et jamais elle n'était restée insensible aux regards concupiscents ainsi qu'aux sifflets admiratifs bien que désobligeants que provoquait son passage chez les jeunes hommes. Néanmoins, elle n'avait jamais abusé plus que ça de son physique avantagé, excepté bien sûr pour des exposés oraux ou pour obtenir d'un homme tout ce qu'elle voulait et se jouer de lui. En tout cas, Maëlle n'avait pas encore entretenu une relation suivie qui lui aurait ôté une indépendance à laquelle elle accordait une grande importance. Et ceci pour la plus grande frustration de ses nombreux prétendants, cachés dans l'ombre et prêts à bondir. Maëlle trempa une main dans le ruisseau afin de recueillir un peu d'eau. L'image de son visage s'éclipsa...

Alors que le soleil descendait sur l'horizon et qu'une fine pellicule de rosée vespérale s'était déjà déposée sur les feuilles, Maëlle entreprit de quitter cette clairière afin d'examiner plus encore cet espace magique. Sans s'en rendre compte, elle se mit à s'ébattre et à chantonner un air de son enfance. Elle promenait ses mains le long de l'écorce des arbres et faisait des détours pour humer chaque fleur qu'elle voyait. Elle avait l'intime sensation de faire corps avec les dryades, les sylphes, les ondines et autres génies de la terre. Il en fut ainsi jusqu'à ce elle atteignît une plage de sable fin inondée crépusculaire, et où la marée montante étalait ses vagues comme dans une énième tentative pour s'agripper à la surface terrestre. Sans se poser de questions, notre héroïne se déshabilla entièrement et plongea dans l'eau turquoise pour se purger de toutes les horreurs subies, mais aussi par pur plaisir.

Après quelques longueurs, elle se mit sur le dos et se laissa porter par le courant marin comme une simple feuille. Sa silhouette gracile tranchait élégamment au contact de la mer si bien que d'en haut on aurait pu la confondre avec un récif corallien, augurant donc d'un identique plaisir profond pour les yeux accompagné d'identiques pensées les plus folles tout en gardant à l'esprit qu'il fallait un certain doigté pour s'approcher et être invité à toucher. Toujours d'en haut, on aurait pu prendre sa toison scalène pour le déplacement d'une méduse dont le corps aurait été son Mont de Vénus. Ses seins proéminents, pointant fièrement leur sommet auréolaire rose vif vers le rouge-orangé du ciel, étaient comme un cornet de 2 boules de glace à la fraise surmontées de 2 cerises que semblait lécher sensuellement la mer dans son mouvement de va-et-vient. Tandis que le soleil s'était couché et avait cédé le
Royaume des cieux à une lune voilée, Maëlle était toujours dans l'eau. Elle était aux anges. La mer qui l'entourait était comme autant de caresses d'un amant à mille mains et au savoir-faire inégalable.

Cette tranquillité presque assourdissante fut pourtant interrompue par un hurlement indescriptible plus loin au nord. Un hurlement inhumain bien qu'humain, auquel s'ajouta un bruit que Maëlle prit pour un moteur de tracteur. Il n'en fut pas plus pour faire revenir la jeune fille sur la plage et lui rappeler où elle était. Et c'est en revenant qu'elle le vit, légèrement au sud, un homme vêtu d'une toge blanche, d'une cape rouge et recouvert d'étranges petits objets. Il avait l'air maussade et ne semblait pas avoir aperçu Maëlle.
Celle-ci, une fois rhabillée, alla dans sa direction.