jeudi, avril 29, 2004

Chapître 29 : Springman

A présent que Maëlle n'était plus qu'à quelques pas de
l'étranger qui était assis face à la mer, la tête
entre les genoux, elle n'osait plus avancer. Elle, qui
sans barguigner s'était promptement décidée à aller à
sa rencontre, ne savait plus trop quoi faire.
Devait-elle user de salamalecs en lui adressant la
parole, ou bien devait-elle jouer le rôle de la jeune
fille farouche, rebelle et qui n'avait peur de rien ?
- Heu... bonjour monsieur, parvint-elle à dire sur un
air sibyllin. Je m'appelle Maëlle.
L'inconnu, qui en plus de sa toge blanche sur laquelle
étaient accrochés des petits objets représentant des
fruits et des légumes portait un turban jaune autour
de la tête se mêlant avec ses cheveux légérement
céruléens, se tourna vers Maëlle.
- Et moi Springman ! se présenta-t-il à son tour.
- Oh !... alors ainsi c'est vous qui êtes à l'origine
de ces espaces mirifiques...
- Mouais, on peut dire ça.
Le dénommé Springman regarda fixement et attentivement
¨notre déesse. Mais en fait, il ne la voyait pas. Il
semblait plutôt regarder un point situé au-delà de son
enveloope charnelle, comme s'il sondait son esprit.
Puis, les yeux dorénavant perdus dans le vague, il se
mit à parler. Et pour ce faire, il empreinta un ton
confidentiel. S'il avait souhaité que Maëlle lui
donnât l'absolution, il n'aurait pas agi autrement.
Sur le moment, lui même ne réalisait pas pourquoi il
éprouvait ce besoin si oppressant de se justifier
auprès d'elle. Il le fit pourtant. Et il trouva en la
jeune fille une personne très attentionnée et
compréhensive.
- Oui, je suis le sorcier Springman et c'est par ma
magie que j'ai créé et que je maintiens des espaces
tels que celui-ci à l'intérieur de cette contrée
maléfique. Mais je ne l'ai pas fait par vocation.
Disons sommairement que j'agis ainsi dans le but de me
dédouaner de mes turpitudes passées. En effet, dans ma
jeunesse, à l'époque où nous, les Sumériens, étions un
peuple puissant et fier, je me suis intéressé à la
magie. Hélas, force est de reconnaître que rapidement,
je me suis tourné vers la magie noire. J'ai alors pris
connaissance de la double face de l'univers et par
conséquent des démons parcourant Darkcampus, des
démons dont la noirceur d'âme n'a pas d'équivalent
terrestre. Ces créatures lucifériennes avec qui
j'avais appris à communiquer à travers ce que l'on
appelle des Tunnels d'Existence m'ont séduites : elles
me promettaient une connaissance illimitée en matière
de sorcellerie si je leur offrais des sacrifices
humains. Ce que je fis à maintes reprises durant des
années... pour ma damnation éternelle... des hommes,
des femmes, des enfants... Il en fut ainsi jusqu'à ce
que réalise la souffrance inique et cruelle que mon
provoquait mon ambition imbécile et haïssable. Du jour
au lendemain, je stoppais mes offrandes aux démons
envers qui je devais tous mes pouvoirs. Mais d'une
certaine manière, j'étais lié avec eux, et pour me
punir de mon insubordination et de ma trahison, ils
m'ont condamné à habiter à jamais leur dimension. Et
malgré ma force toute puissante, alors que je pourrais
être le maître de la Terre, je ne puis échapper à
cette sentence. Mais depuis ce jour, moi qui suis
immortel, je m'évertue à troubler leurs plans
machiavéliques, d'où la naissance de ces espaces qui,
s'ils peuvent apporter seulement un peu de réconfort
et de joie aux hommes de Darkcampus, m'aident à
oublier mon passé peu glorieux.
- Et c'est sans doute pour ça que si quelque part Dieu
existe, il vous a déjà pardonné, lui confia Maëlle en
souriant.
- Je vous remercie pour votre sollicitude, lui dit-il
en lui retournant son sourire. Seulement, je ne suis
pas un thaumaturge et je me pose depuis quelques temps
des questions d'ordre eschatologique. Je doute
effectivement de pouvoir lutter encore très longtemps
contre cette justice immanente de Darkcampus. En
particulier à cause du fait que je sens l'atmosphère
du lieu s'assombrir et se faire de plus en plus
menaçant : les forces du mal n'ont jamais été aussi
fortes qu'aujourd'hui, il flotte dans l'air comme des
perturbations malfaisantes annonciatrices d'un chaos
prochain. Les démons deviennent plus forts et je sais
que certains parmi eux sont déjà parvenus à franchir
mes barrières énergétiques.
- AAAHHHAAAAAAAAAAAAA..., bâilla Maëlle, finalement
lassée par le discours de Springman.
- Oh, mais je vois que vous êtes fatifuée. Très bien,
je vous invite chez moi. J'ai une charmante maison en
plein centre de la Forêt Enchantée. Venez avec moi.
Une fois arrivée devant la maison en question, Maëlle
dut reconnaître que son aspect propre et silvestre
était pour le moins chaleureux.
Quand soudainement et sans prévenir déboulèrent de la
porte d'entrée 5 bambins que Springman présenta comme
étant ses enfants. Ils s'appelaient Jay, Magheor, Rei,
Hankan et la petite dernière Tique. Tous se
précipitèrent vers leur père, le visage vultueux. A ce
sujet, le sorcier expliqua à la première admiratrice
de JTG que ces larmes étaient dûes à la disparition
inexpliquée dans l'après-midi de leurs 4 petits
compagnons de jeu : des chatons tendres et dodus. Bien
évidemment, tout en réprimant un rot, souvenir
savoureux de son dernier repas, Maëlle feigna de
partager la peine des 5 enfants, ce dont ces derniers
lui furent fort gré. En fait, mis à part Tique, tout
ce petit monde sympathisa très vite avec la nouvelle
venue et sa seule présence suffit à soulager leur
peine et à agir sur eux comme un lénitif. Du reste,
Jay, Magheor, Rei et Hankan commencèrent à lui
préparer un dîner chaud et copieux ainsi qu'un lit
douillet.
A l'écart de ce chambard, Maëlle apprit auprès de
Springman que la mère de ces chérubins était décédée
récemment suite à l'intrusion d'une créature tout près
de là. Le corps méconnaissable qu'en avait fait le
démon avait été découvert par Tique. Depuis ce jour,
celle dont le jeune âge nécessitait le plus la
présence d'une mère, avait perdu l'usage de la parole
et vivait dans son monde d'autiste. Même son puissant
père ne parvenait pas à l'aider à surmonter ce choc
psychologique.
Après un joyeux repas, tout le monde finit par aller
se coucher. Cette nuit-là, seule Tique ne dormit pas,
trop bouleversée par Maëlle qui avait fait ressurgir
en elle des sentiments oubliés...
Aux premières lueurs du jour, les 5 enfants
réveillèrent doucement leur invitée et l'incitèrent à
les suivre dans les bois :
- C'est pour faire une surprise à Papa, lui souffla
Jay.
Maëlle ne sut refuser, en dépit de son attachement
génétique aux grasses matinées.

Non loin de là, Micantecutli pleurait sur la mort de 5
de ses serviteurs, et un seul mot obsédait son esprit
: "vengeance" !
Il franchit la barrière d'énergie.