Chapitre 12 : La mort a petit feu
Le dévoyé Maugéraptor était toujours là, immobile et silencieux. Il se contentait simplement de toiser les Métal Warriors de son regard vitreux, dans la ferme intention de les provoquer.
Sans circonlocution, Horion lui demanda à brûle-pourpoint :
- Dis nous où Icarios a emmené Maëlle !
- Gniark ! Gniark ! ricana sauvagement l'extravagante créature. Oui, moi je sais, moi je sais, gniark, mais j'vous dirai pas heu tra la la la la...
- Ah non au-secours, mais dites moi que je rêve, implora Colineus.
- Allez... on s'le fait ! rugit Artefact.
A peine l'Erudit avait-il achevé sa phrase que la vermine se mit à courir à une vitesse hallucinante, portée qu'elle était par ses pattes certes diaphanes, mais d'une vélocité incommensurable. Le trio de choc réagit dans la seconde et se lança à sa poursuite non sans éprouver certaines difficultés.
Effectivement, en dépit de l'entraînement intensif dont ils avaient fait l'objet lors de leur formation il y a de cela quelques trois cents ans, le monde moderne avait fini par avoir raison de ces êtres au physique inégalé et inégalable. De ce fait, ils avaient pris la mauvaise habitude de se goinfrer de Mc Do, de pop-corn et autres œufs Kinder dont Horion collectionnait les merveilleuses surprises. De surcroît, ils ne pratiquaient plus la course à pied qu'avec parcimonie, et préféraient la voiture pour se déplacer. Tous ces méfaits avaient entraîné une surcharge pondérale. Ce lard superflu, basé principalement au niveau du ventre, ne les prédisposait pas à une telle course-poursuite. Par bonheur, à la simple idée de faire cracher le morceau à Maugéraptor et donc de revoir Maëlle, ce que chacun considérait comme étant son propre chou à la crème enrobé de délicieux chocolat glacé, ils avaient la rage de vaincre. Ils réussissaient ainsi à se sublimer encore et toujours et à faire fi de leurs douleurs musculaires.
Dans un état sudoral avancé, ils traversèrent un dédale de couloirs, de salles et de galeries vitrées reliant entre eux les différents édifices et surplombant le sol dévasté de darKcampus.
Les Chevaliers étaient sur le point de rattraper Maugéraptor quand Artefact ressentit une vive souffrance à son pied victime du venin d'Icarios. Lui étant momentanément impossible de poser le pied par terre, il s'affala de tout son long sur le sol.
Alertés, ses deux compères s'arrêtèrent eux aussi, abandonnant leur proie pourtant à portée de mains.
- Bon sang ! Mais qu'est que tu glandes par terre ? le tança Colinéus, déçu.
- Tu as perdu une pièce de monnaie ? s'enquit Horion avec sa légendaire clairvoyance
Cependant, ils comprirent vite l'état maladif de leur ami. Ce dernier était fiévreux et transpirait si abondamment qu'il était plus trempé que Corbier qui vient de se ramasser un seau d'eau sur la tête dans le jeu de l'ABC du Club Dorothée. Son pied le faisait atrocement souffrir. Jamais au cours de sa longue et prestigieuse carrière de Métal Warriors, il n'avait connu un tel mal.
Bien que redoutant ce qu'il devait découvrir, il entreprit d'ôter sa botte afin d'examiner ce pied de plus près. Avant même de retirer sa chaussette, il sut que quelque chose n'allait pas. En effet, il était évident que cette chaussette ne moulait pas un pied étant donné ses contours présentant des angles curieux et des protubérances oblongues qui n'avaient rien à faire ici.
D'un geste nerveux, Artefact déchira le tissu. Alors son visage blêmit, se décomposa... Car à sa vue était exposé un pied mutilé et ravagé ! Les yeux de ses compagnons se révulsèrent face à cette charcuterie décharnée et face à cette odeur de miasmes putrides.
Ce spectacle était digne de la plus horrible des pestes. L'extrémité de ce pied était sec, dépourvu de substances organiques et ressemblait à de la marmelade défraîchie. De plus, des vers blancs opportunistes parachevaient la besogne, bien contents ma foi de ce repas succulent, et se promenaient nonchalamment dans les interstices épidermiques.
Bref, son pied était mort ! Mais le plus dégoûtant encore se localisait au niveau de la cheville où deux créatures démoniaques étaient lovées dans la chair !
Elles voyageaient à l'intérieur en bosselant la peau et la modelant selon leurs positions. De manière tout à fait extraordinaire, il semblait qu'on avait opéré sur Artefact des greffes vivantes... de l'intérieur même de son pied !
En un éclair, Colinéus comprit tout, les deux abominations présentant de singulières ressemblances avec Icarios.
- Voici la progéniture d'Icarios, expliqua le Gardien de la Force. Son venin n'est rien d'autre que sa semence. Seulement, nul besoin de coït : son simple toucher suffit à la faire entrer dans l'organisme. Ses larves s'y développent en se nourrissant des liquides corporels de leur hôte jusqu'à ce qu'elles vident leur environnement immédiat. Alors, elles se déplacent un peu plus loin et recommencent à festoyer. Il en va ainsi jusqu'à absorber toute vie à l'intérieur de l'hôte. Une fois celui mort, elles s'en extraient afin de vivre de leurs propres... ailes ! Et rejoindre leur père.
Colinéus, fier de ses déductions, s'exprima doctement et de façon condescendante. Ce qui eut pour effet d'énerver Artefact. Car n'oublions pas, c'était lui l'Erudit et lui aussi aurait pu tenir disertement pareil discours ! Cette soudaine haine, conséquence des ondes négatives des deux larves, le revivifia néanmoins.
Non il ne se laisserait pas faire, non il n'était pas fini et oui il était encore indispensable à l'équipe, oui il trouverait bien un antidote !
En se relevant, Artefact s'appuya contre le mur, déclenchant un mécanisme secret. Une porte dissimulée tomba et révéla un amphithéâtre bondé de monstres divers. Mais c'était des monstres de la Classe Inférieure : les Psychos. Ils étaient inoffensifs parce que dotés d'une intelligence rudimentaire.
Scrutant cet amphi, Horion s'exclama :
- Maëlle !
- Et oui, Maëlle ! Quelle chance de la trouver ainsi !
Toutefois, la pauvre était sur l'estrade de l'amphi, crucifiée sur l'échelle du perroquet dont le piédestal était jonché d'os humains et... inhumains. Cela traduisait clairement que nul n'échappait à ce supplice dont le principe était fort simple : avec un petit moteur âgé de trente ans, vous déclenchez le mouvement d'ondulation des barreaux de l'échelle et plus ça accélère, plus la victime se contorsionne comiquement et plus son cerveau flotte, flotte jusqu'à l'hémorragie interne. Tout ceci était bien plus
efficace que joints et bangatchous.
Déjà l'échelle bougeait à vive allure dans un crouïk-crouïk abrutissant et menaçait de s'écrouler.
Mis à part son irrésistible string léopard en cuir ajouté à son soutien-gorge du même acabit, qui renfermait secrètement et malicieusement des seins généreux, pleins et fermes, Maëlle était nue. Elle semblait inerte, la tête posée sur son sternum et ses cheveux soyeux lui dissimulant le visage. Heureusement, elle n'avait visiblement pas enduré de sévices sexuels ou physiques.
Son bourreau, qui n'était autre qu'Icarios en personne, stoppa le moteur malgré les sifflets réprobateurs des Psychos qui avaient payé cher leur place. Icarios interpella nos amis dans son langage abscons :
- Itam glkochi e auter ! Vaserdadoo norehc !
- Quoi ? Tu peux répéter ? interrogea Artefact.
- Bien sûr, répondit le démon. Itam glkochi e auter ! Vaserdadoo norehc !
- Mais qu'est ce que c'est que ce sabir ? se plaignit Horion
- Laissez moi faire, béotiens ! s'empressa Colinéus, à nouveau infatué. Hum... heu... Don't you speak english ? Oder deutsch vielleicht ?
Silence.
- Inutile..., bredouilla Maëlle, sans lever la tête. Il ne parle que la langue des Anciens. Je ne sais pas ni comment ni pourquoi mais je suis la seule à le comprendre... en tant qu'humaine bien sûr... Il me soupçonne pour cette raison de posséder des pouvoirs cachés et c'est pourquoi il me torture : il veut me faire avouer... alors que je ne sais rien...
- Et qu'a-t-il dit à l'instant ? questionna poliment Artefact.
- Il vous a sommé de dégager ou Colinéus et Horion subiront le même sort que toi Artefact. Ils deviendront des garde-manger pour ses chers petits...
Excédé par ces bavardages, Icarios envoya deux jets de son venin/sperme vers le Gardien de la Force et le Mélomane pétrifiés...
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