Chapitre 5 : Chaos
Déconcentrés et décontenancés, les infâmes vermisseaux se retirèrent bien vite à l'intérieur du conduit urétral protecteur.
Ce mouvement s'opéra avec un reniflement odieux. Un son semblable à celui que fait un gamin enrhumé, qui préfère envoyer ses excréments nasaux au plus profond de ses sinus, plutôt que de se moucher.
De son côté, Maëlle ne savait pas si elle devait se réjouir de ce sursis, ou bien se préparer à nouveau au pire. Effectivement, la sonorité de ces voix étranges ne laissait planer guère de doutes quant à la nature et aux intentions de leur propriétaire.
Elle sut tout de suite à quoi s'en tenir : la Chose entra enfin dans la pièce, et Maëlle la découvrit...
Et à sa vue, ses cheveux se dressèrent sur sa tête, puis elle se sentit défaillir. Comme si c'était encore possible, elle venait d'atteindre un plus haut degré de Frayeur. Mais c’était le plus haut degré qui se puisse concevoir, ce qu'aucun être humain n'a jamais connu et ne connaîtra jamais : le Paroxysme de la Terreur!
Car en fait, à ces voix ne correspondait qu'une créature. Elle était une et plusieurs à la fois, une bête composite d'une malveillance infinie. C'était la démence incarnée.
On aurait pu comparer ce démon à un arbre ou à une pieuvre. Son corps, d'aspect mi-chitineux mi-squameux, était d'une blancheur cadavérique et faisait indubitablement penser à une craie. Toutefois, ce qui attirait avant tout l'attention était ses sept ramifications au extrémité desquelles se balançait et se tortillait une sinistre tête blafarde que Maëlle ne connaissait que trop bien : elles avaient les traits de certains de ses profs d'études.
Complètement abasourdie, elle les dévisageait un par un : Belin, Longuemare, Lefèvre, Bogdansky, Cremer, Saquet et Landais.
Cette dépravation de la nature se déplaçait lentement, entourée d'une aura sépulcrale et suivit d'un chuintement d'outre tombe.
Elle s'adressa à Punisher et Pénétrator par le truchement de ses sept têtes dont le timbre de voix résultant évoquait celui de son prof le plus redouté : Chéron !
- Tous les deux n'avez rien à faire en ce lieu! Je suis le Créateur de cette dimension DarkCampus. En conséquence de quoi, d'après nos règles, c'est à moi que revient la priorité de tuer l'Elue.
Punisher et Pénétrator se regardèrent et, d'un commun accord, s'inclinèrent devant cette requête faisant force de loi. Ils reculèrent dans un coin obscur afin de s'entretenir à voix basse.
Le démon à la voix de Chéron se présenta à Maëlle :
Je suis Celui Qui A Créé Tous Les Maux De La Terre (sic!), celui qui a semé sur Terre le Mal, la Souffrance et la Discorde : je suis Pestilence ! A chacune de mes têtes est associée une calamité : la Peur, la Misère, la Famine, la Guerre, la Trahison, l'Epidémie et la Haine. Quant à mon tronc, il représente la Mort elle-même, c'est le point central de toutes ces forces cosmiques d'au-delà les étoiles.
Mais je ne suis qu'allégories : mes têtes et mon corps changent en fonction de ma prochaine victime, de manière à prendre les contours de ses plus grandes angoisses gisant au plus profond de ses abysses cérébraux.
Avec l'énergie du désespoir, Maëlle parvint à se dépêtrer de la substance sanieuse de Pénétrator à présent asséchée, et se réfugia, téméraire, derrière la petite table en bois.
- Mmmmmmmm... Excellennnnnnnnnnt! se réjouit Pestilence, tu vas goûter à ma toute PUISSANCE ! ...
Alors, la tête Bogdansky s'avança et émit un rot dont la pulsation égalait la pulsation de résonance de la table, la transformant instantanément en vulgaires grains de poussière...
Ensuite, la tête Belin zozota ces quelques mots :
- Effet... mésoMERRRRRRRRRRRRRe!!!!
L'écho de ce sort satanique sembla se perpétuer infiniment. Maëlle eut alors l'impression de sombrer dans un précipice aux ténèbres insondables, encerclée d'hululements lugubres ainsi que d'entités perverses et vicieuses. Après une chute interminable, elle atterrit si durement sur le sol rocailleux que sa poitrine explosa, pourfendant douloureusement son torse et lui perforant un poumon. Cependant, elle ne put s'accorder aucun moment de répit, et dut se relever immédiatement. En effet, elle aperçut une Horde de Cauchemar, composée de Squelettes, Momies et autres Zombies, qui accouraient dans sa direction, affamés qu'ils étaient de boucheries et de carnages macabres...
On l'avait déjà privée d'un bras et arraché le cuir chevelu quand elle discerna, parmi ses tortures absolues, la voix de Pestilence :
- Dès que j'aurai compté jusqu'à trois, tu seras prisonnière à jamais et condamnée au tourment éternel de ton âme. Tu mourras et renaîtras sans fin, et à chacune de tes morts, je serai plus fort! Ne t'inquiète pas, car bientôt, certains de tes semblables te rejoindront, si ce n'est, bien sûr, qu'eux également chercheront à te dépecer pour avoir
causé leur perte en nous ressuscitant ! AH ! AH ! AH ! ADIEU !...un...deux...
Tout à coup, Maëlle se réveilla, indemne, toujours dans la chambre de Punisher. Elle entendit ce même Punisher dire à Pestilence :
- Souviens toi, il y a très longtemps, tu as perdu contre moi même et Pénétrator une partie de billard... Et selon le pari convenu, tu nous dois une faveur.
- Hum! Tu as tout à fait raison, admit tristement
Pestilence
Puis, voyant où il souhaitait en venir, il ajouta ceci :
- Cherchons donc un accord à propos de l'Elue.
Les trois démons se mirent à chuchoter tranquillement. Maëlle s'interrogeait sur ce qu'il résulterait de ce conciliabule dont elle ne comprenait pas le galimatias. Quelles allaient être leurs idiosyncrasies ?
Enfin, ils cessèrent de parler. Ils se retournèrent, chacun arborant un rictus funèbre et un regard torve.
- C'est décidé, ricana Pénétrator, nous allons te partager en trois!
Maëlle ne put s'empêcher de déglutir. Elle comprenait qu'il n'y avait plus le moindre espoir. Elle ne pouvait que s'avouer vaincue et se résolut à accepter son châtiment. Elle prit cependant le temps de se repasser les meilleurs moments de sa vie pendant le peu de temps qu'il lui restait.
Tandis que sa vie ne tenait plus qu'à un fil, une brusque rafale de vent, à l'origine inconnue, fit irruption à l'intérieur de la pièce. Elle souleva Maëlle, la mettant à distance raisonnable de ses persécuteurs. L'instant suivant, apparut au-dessus d'eux un vortex spatio-temporel d'où s'échappèrent trois êtres mystérieux.
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