samedi, avril 24, 2004

Chapître 24 : Trop beau pour durer

C'était un site que tout observateur avisé aurait pu qualifier d'idyllique et de bucolique. C'était une plage de sable fin inondée de lumière crépusculaire.
La mer paisible miroitait les derniers rayons du soleil sur le point de disparaître derrière l'horizon qui séparait délicatement le rouge-orangé du ciel du bleu turquoise de l'eau. Aux abords de la plage, la végétation était luxuriante, composée de platanes, de palmiers et d'arbres à la frondaison abondante et riche en fruits savoureux qui fleuraient de frais desserts savamment concoctés. Cette végétation abritait diverses variétés d'oiseaux et d'insectes qui, en cette quiète soirée d'été, se livraient un
duel sans merci en étalant chacun tout leur répertoire musical afin de se voir décerner le prix honorifique du meilleur chanteur du jour. Les feuilles, sur lesquelles s'étaient déjà déposée une mince pellicule de rosée vespérale, se balançaient doucement au gré d'une légère brise côtière, diffusant dans l'atmosphère des reflets chatoyants.
Bien qu'on eût pu légitimement en douter, ce paysage était situé dans Darkcampus, mais il appartenait à Springman, un sorcier qui refusait avec abnégation de se soumettre aux règles imposées par Hominéral. Sa façon de lutter consistait à maintenir des espaces comme celui-ci au sein même des turbulences maléfiques. En somme, c'était un moyen de prouver que les intentions louables pouvaient également vaincre dans la dimension diabolique. A l'intérieur de ces hâvres de paix relative s'étaient développées une flore, une faune et des colonies d'humains tout à fait comparables à celles de la Terre. Certes, le niveau technique était moindre pour ces humains, mais leur mode de vie présentait de réelles similitudes. Sur la plage, à la laisse de la marée montante, ils étaient 2, un homme et une femme, allongés l'un contre l'autre. Il s'appelait Kit et elle s'appelait Kat. Depuis peu, ils étaient amants, et la torride passion des premiers moments passés ensemble les liait intimement. Kit se tourna sur le côté et susurra quelques mots doux à l'oreille de sa bien aimée qui esquissa un sourire dévoilant ses dents blanches désertées par le tartre. Puis il se dressa et s'appuya sur son coude pour contempler les yeux de Kat. Il se noya dans ses pupilles vertes-émeraudes et distingua avec délectation que sa propre personne était leur centre d'intérêt principal. D'une main, il lui caressa tendrement les cheveux et les joues, ensuite il lui effleura les lèvres sans quitter du regard, ne fut-ce qu'un court instant, ses yeux dont il n'aurait su déterminer précisément l'indice de réfraction. Il était exact cependant qu'à l'heure actuelle, ce n'était pas son souci majeur. Kit préféra plutôt glisser sa main dans l'échancrure du chemisier de Kat et de lui palper les seins.
L'Autre était là. Depuis un bon moment, il était là et il les observait. Kat se laissa dévêtir de son chemisier pour que son amant fût plus à l'aise dans l'entreprise à laquelle il s'était instinctivement voué. Devant ces bonnes dispositions, Kit se mit à califourchon sur elle et lui massa avec plus d'application les seins dont les mamelons ne tardèrent pas à durcir et à se dresser. Ses seins étaient menus mais fermes, aussi n'éprouvait-il aucune difficulté à les empoigner et à s'en remplir les mains. Ils ne s'embrassèrent pas. Pas encore. Ni l'un ni l'autre n'osait faire le premier pas, le baiser représentant tant de choses à leurs yeux que son authenticité en tant que symbôle d'un amour réciproque ne devait pas être usurpée. Les 2 amants firent donc monter en chacun d'eux un plaisir ardent de baiser enfiévré jusqu'à ce qu'ils ne fussent plus capables de tenir plus longtemps. Alors, conjointement, d'un accord tacite, ils se décidèrent. Tout d'abord, leurs lèvres se frôlèrent avec une courtoisie polie puis s'entrouvrirent et donnèrent naissance à un baiser plein de fougue et de frissons où 2 langues se débattaient avec frénésie et exploraient sans gêne la bouche de l'autre. Derrière les buissons jouxtant les premiers grains de sable, l'Autre était toujours là et ne manquait pas un seul de leurs gestes. Sa respiration s'était accélérée. Un profond et irrépressible sentiment de frustration et de colère s'emparait de son esprit. Dès qu'il eut ôté son pantalon, Kat tâtonna un peu avant de trouver l'objet de son désir : le pénis de Kit. Elle fut heureuse de constater que ce dernier était déjà gonflé à mort, prêt à l'emploi. Elle promena de haut en bas et de bas en haut sa main le long de la hampe et titilla le gland luisant jusqu'à ce que son amant frémît d'extase. Pour sa part, Kit lui lécha le cou puis la vallée de sa poitrine, lapa ensuite son nombril et atteignit sa vulve. Là il s'enfouit le visage dans la fourrure pubienne et suça son sexe qui se dilata et se poissa de sécrétions vaginales. Kat se mit à haleter furieusement, elle était prête à le recevoir. Par dessus la crête des collines surplombant cette crique, un croissant de lune était apparu et s'était substitué à l'astre solaire parti sous d'autres cieux. Bizarrement, bien que le ciel fût limpide, la clarté lunaire était voilée et ne suffisait pas à transpercer les mystérieuses ténèbres inquiétantes qui s'étaient subrepticement amassées sous les arbres, ainsi que les nappes de brouillard filandreuses qui s'étaient agglutinées sur la plage. Les insectes et les oiseaux s'étaient tus, semblant retenir leur souffle. La mer paraissait s'être retirée à la sauvette et était parcourue de rides, toutefois on n'aurait pu affirmer si ces rides étaient dues au vent ou si la mer elle-même frissonnait de peur. Quant à l'Autre, il était encore là ! Il épiait les ébats amoureux des 2 tourtereaux pareillement au plus pervers des maniaques sexuels. A bout de nerfs, il saisit ses clés de contact et s'éloigna, provisoirement, un sourire en coin.
Kit se préoccupa d'enfourner sa verge vers le vagin de sa maîtresse, dans la caverne au mille et un trésors.
Il la trouva étroite mais chaude et humide. Il se mit donc en devoir d'exercer quelques étirements physiques afin de translater en elle. Au bout de 5 minutes, il commença à ahaner et elle commença à jouir. Kat était parvenue à un orgasme de bon niveau : elle sentait son être se liquéfier et se dissoudre, elle planait littéralement et n'avait plus aucune notion du temps et de l'espace. Seul lui importait le plaisir que lui procurait Kit sur le point d'éjaculer. Pourtant, une odeur fétide vint leur chatouiller les narines. Entre 2 pompes, Kit songea :

- C'est quoi ça ?... on dirait que ça sent l'eau de Javel...

Alors, tel un cheveu sur la soupe et avec une furie inégalable qui lui était propre, l'Autre arriva, précédé du raffut assourdissant du véhicule qu'il conduisait et qui s'apparentait à un tank-pelleteuse.

- OUARRRRRRRRRRR !! Je vais tous vous buter ! hurla-t-il. Ca va saigner !

Kit eut le prompt réflexe de rouler sur le côté mais pas Kat. Avec une précision professionnelle, l'Autre abattit sa pelle mécanique sur la pauvre jeune fille. On entendit un son semblable à un fruit pourri jeté violemment contre une façade. Des lambeaux de tissus sanguinolents et des écharpes d'excréments encore boudinés dans leurs boyaux furent propulsés dans toutes les directions et décorèrent les branches des arbres comme des guirlandes décorent un sapin de Noël. Kat fut réduite à une crêpe à la confiture de mûres. Un filet de sang embourbé de sable apparut de sous la tonne d'acier trempé et zigzagua en direction de la mer...

- Mais vous êtes complètement cinglé ! s'exclama Kit. Qu'est-ce-q...

Il ne put en dire plus car la pelle, en produisant un bruit de ventouse mouillée, s'était déjà relevée. Elle pivota et une de ses dents tranchantes le décapita. Sa tête fut séparée de son corps et virevolta quelques secondes dans l'air avant de se crasher de guingois sur le sol. Kit ne réalisa pas dans l'immédiat ce qui venait de se passer. Il voulut encore protester contre ce dingue de tueur quand il aperçut son corps resté debout et qui était arrosé du sang s'expulsant comme un geyser de son cou mis à nu. Ses yeux prirent alors une expression d'horreur dubitative et il pria pour le salut de son âme. La dernière vision que daigna lui accorder généreusement la mort fut celle de l'Autre qui se déshabilla et se plaça sous cette averse de
sang en sifflotant gaiement et en utilisant le cuir chevelu de Kat comme gant de toilette.

La lune recouvrit sa clarté; la mer, finalement légèrement teintée de rouge, se retira à nouveau calmement ; les ténèbres et le brouillard se dispersèrent et les chants reprirent. Le danger était parti.