vendredi, avril 23, 2004

Chapître 23 : Alliance de circonstance

Horion resta quelque peu perplexe. Mais en tant qu'adepte invétéré du yang, il prit finalement le choix de tenter une offensive mesurée. Il saisit sa guitare et pinça les cordes de façon à créer des notes annihilant toutes volontés belliqueuses. Toutefois, le cerveau d'Artefact demeura insensible à cette attaque car au fond, lui même n'en voulait pas personnellement à Horion. C'était en fait un semblant de haine, une haine factice ayant pour origine ces larves dont le flux de psyché dominait totalement leur hôte. Un hôte désormais dépourvu de sentiments et par conséquent inattaquable d'un point de vue psychique.

Artefact, plus mort que vif, s'approcha encore d'Horion par des pas saccadés d'automate. Le Mélomane avait compris qu'il devait s'en prendre directement aux parasites, mais il aurait voulu disposer d'un peu de temps afin d'évaluer si une offensive à décoître ne blesserait pas Artefact trop grièvement. Et c'est justement le temps qui lui manquait ! Quant au corps à corps, il n'osait y songer : il craignait trop cette craie et la menace magique qu'elle représentait. Dans l'expectative, Horion adopta une attitude défensive. Il gratta sa guitare engendrant ainsi un tourbillon d'ondes éléctromagnétiques qui l'entoura. Il s'était donc créé un bouclier équivalent à un champ magnétique de plusieurs teslas que seule une puissance dantesque aurait pu franchir. Y avait pas à dire, c'était très
efficace. Le seul inconvénient était que cela pompait beaucoup d'énergie : Horion voyait avec une angoisse non dissimulée que l'aiguille de son réservoir énergétique baissait trop vite à son goût. Artefact sachant qu'il ne pouvait traverser ce bouclier magnétique, orienta ostensiblement sa craie vers sa propre gorge. Horion comprit l'affreux message : si les parasites ne l'éliminaient pas lui, alors elles élimineraient leur propre hôte qui les avait déjà suffisamment nourri de son vivant. Horion, les yeux dilatés par une frayeur incrédule était certain d'assister aux premières loges à la mort de son ami !...

Tout à coup cependant, le très diligent Colinéus, de retour de son expédition, déboula et décocha une décharge énergétique sur Artefact qui la reçut de plein fouet. Il chancela et dut poser un genou à terre. Le Mélomane profita de ce moment de faiblesse pour jouer une berceuse insidieuse de son deejee reedoo en plagiant un morceau de Serge Lama. Bien que cela ne fût en aucun cas une arme puissante, Artefact ne s'était pas encore remis du coup de Colinéus pour être en mesure de s'en défendre. Et sans que les larves puissent tenter quoi que ce soit, son cerveau allait s'endormir pendant environ un quart d'heure empêchant par la même occasion à ces dernières de l'utiliser et donc de commander ses membres. Il fallait également espérer que les larves ne fussent pas encore entièrement disposées à s'extirper de leur hôte en bousillant tout sur leur passage. Toujours est-il qu'il ne restait plus beaucoup de temps.

Horion s'apprêtait à demander à Colinéus s'il avait déniché un psycho lorsqu'il en aperçut un. Mais l'endroit où il était était tellement inattendu et cocasse que les mots ne lui vinrent pas. En effet, le psycho était perché sur les épaules de Colinéus. Jamais Horion n'avait pensé qu'un tel geste d'affection eût pu exister entre un humain et une telle vermine. Si bien qu'il sentit un fou rire le gagner.

- Surtout ne ris pas, lui conseilla Colinéus par télépathie. Ce psycho est hyper susceptible. Si on ne fait pas ce qu'il veut, si on se plie pas à toutes ses toquades, il refusera de nous aider.
- Tu n'avais qu'à en prendre un autre, lui fit remarquer Horion.

- Hé ! J'aurais bien voulu t'y voir, toi ! Car pour en voir de ces bestioles, j'en ai vu, mais le fait est que très peu d'entre elles ont ce phlegmon contrairement à ce qu'avait voulu insinuer Lovecraft, pour ne pas nous décourager certainement. J'ai d'ailleurs cru constater que ces rares spécimens étaient rejetés des autres membres et ce, bien que ce soit une race grégaire. Ainsi donc, j'ai aperçu celui-ci en train de musarder, seul, autour de son ancienne tribu vaquant à une occupation musclée : une reproduction sauvage et primitive. Il était tellement absorbé dans cette contemplation que je l'ai chopé sans problème. Ensuite, sur le chemin du retour, je lui ai expliqué ce qu'on lui voulait et depuis je dois supporter toutes ses inepties.

Le psycho en question, qui du haut de son perchoir assistait à cette scène muette en affichant un air ostentatoire, ordonna à Colinéus :

- Toi en à déposer moi par terre, incapable ! Et tout de suite ensuite !

- Oui, Monseigneur Boduku adoré, certainement, avec plaisir, répondit Colinéus sur son ton le plus affable.

- Arrête, tu te fiches de moi ! s'offusqua Horion par la pensée.

- Mais non ! C'est comme je viens de t'expliquer...

- Toi Horion y'en à faire baise-main à moi, dit la saleté.

- Non mais tu rêves ! Je vais plutôt t'en flanquer une !

- Si toi pas gentil avec Ta Majesté Boduku, moi pas aider son ami à toi, piailla la sale peste en prenant un air dédaigneux insupportable. Toi en à être esclave de moi ton roi à toi que je suis.


Bien malgré lui, Horion dut s'exécuter en priant pour ne pas attraper le typhus.

- Vous en à marcher à 4 pattes pour moi rire faire, reprit cet enfoiré de premier ordre. Beaucoup drôle de vous donc moi rire.

- Oui, Maître ! se soumirent les 2 prestigieux Metal Warriors.

Une fois à ras du sol donc, les 2 chevaliers se concertèrent télépathiquement. Se rappelant des propos de Lovecraft, ils devaient offrir quelque chose au psycho en échange de son service. Ils promirent alors tout et n'importe quoi, mais l'âne bâté refusa toutes leurs propositions tout en continuant de faire le faraud. Il était étonnant de la part d'un être d'une telle bassesse d'esprit de savoir aussi bien marchander. Quant aux Métal Warriors, pour être dans l'obligation de s'abaisser devant un simple psycho, ils étaient l'opprobre de leur rang, ni plus ni moins.

- Et si on vous apprenait à lire et à écrire, Votre Excellence Boduku, suggéra Horion.

- Non, ça en à être trop dur pour moi ! Moi pas bien fin.

- Moi... je peux t'apprendre en 2 secondes... et sans effort de ta part, dit Artefact qui, au milieu d'indicibles tourments, avait provisoirement récupéré son identité. Pour te le prouver... je vais t'apprendre à compter sur tes 6 doigts.

Grâce à son ordinateur et à sa craie, Artefact lui inscrivit la formule qu'il fallait. Aussitôt son
embryon cérébral doubla de volume et, Mesdames et
Messieurs, le psycho parvint à compter jusqu'à 6 !

- Incroyable ! se réjouit-il. Vont faire drôle tête copains ! Moi aider vous si vous donnez votre parole à vous à moi de vous.

- Parole de Métal Warriors ! clamèrent solennellement les chevaliers.
Boduku sortit alors de son sac en bandoulière des opuntias, de la mandragore, de la bave de crapaud et une écuelle qu'il remplit aux 3 quarts du liquide suintant de sa nuque tumescente. Puis, il tassa les herbes avec un caillou et les versa dans l'écuelle.

- Fini, fit-il impatient de devenir intelligent.

Sans arrière pensée puisque étant leur dernière chance, Horion et Colinéus firent boire ce breuvage d'aspect boueux à Artefact. Ce qui se passa tout de suite après fut prodigieux. A peine eut-il tout bu que ses lésions se résorbèrent immédiatement, ses fibres saccagées se refournirent et il dégobilla les 2 larves mortes. Artefact se releva aussitôt, frais comme un gardon.

- Et ta promesse, et ta promesse, un deux trois quatre cinq six, s'enthousiasma Boduku. Moi écrire à lire et à apprendre.

- N'aies crainte, les Métal Warriors n'ont qu'une parole, le rassura Artefact.

Sur ce, il agrippa cette parodie d'être vivant et, en récompense de sa guérison, il le projeta en l'air.
Avant que Boduku ne touchât le sol et en utilisant sa craie comme d'une batte de baseball, il l'envoya au loin vérifier s'il y était.

- Vous y en a pas avoir commpris ce que voulais moi..., gémit le naïf psycho.

- Excelleeeennnnnnnnnnnnt ! On te retrouve enfin, éclata de joie Colinéus.

- Entre nous, pratiques les psychos pour faire du sport, rajouta Horion le sourire jusqu'aux oreilles.

Tout ce joyeux monde finit par reprendre la route. Inutile de préciser qu'ils avaient de nouveau perdu la trace de Maëlle !...